Milan Design Week 2025 — Dans l’écrin raffiné du quartier historique des Cinque Vie, le showroom Laneus s’est mué, le temps d’un événement privé, en scène immersive où art contemporain, design textile et performance vivante se sont entrelacés. À l’origine de cette expérience sensorielle inédite : une collaboration entre le label italien Laneus, maître dans l’art du tricot haut de gamme, et l’artiste français Thomas Lélu, connu pour ses aphorismes à l’humour doux-amer et sa pratique artistique nomade.
PAD Paris : Nos Coups de Cœur de l’Édition 2025
Le Jardin des Tuileries s’est métamorphosé, le temps de quelques jours, en un théâtre vibrant dédié à l’art et au design. Le PAD Paris 2025, fidèle à sa réputation de laboratoire de goûts et d’émotions, a rassemblé du 2 au 6 avril une constellation de galeries de renom, venues affirmer — chacune à leur manière — la vitalité et la diversité de la création contemporaine.
Nouvelle impulsion cette année : la présidence de Laura Gonzalez, architecte d’intérieur au style libre et éclectique, insufflant une énergie fraîche à cette édition, épaulée par Jacques Grange, figure tutélaire du PAD, président du jury en 2024. Ensemble, ils ont orchestré un parcours d’exception, où chaque stand se vivait comme un cabinet de curiosités, une bulle narrative à part entière. Des pièces rares, des scénographies audacieuses, des dialogues inédits entre matières, époques et disciplines : plus qu’un salon, le PAD s’est imposé cette année comme une expérience sensible, un lieu où l’objet de design devient récit, émotion, mémoire.
Dans cette effervescence créative, nous avons sélectionné les coups de cœur et les partis-pris marquants qui ont, cette année, redéfini les contours du design de collection — entre installations spectaculaires, dialogues entre les arts et émergence de nouvelles écritures plastiques.
Pulp Galerie
Parmi les expositions les plus marquantes du salon, Pulp Galerie s’est illustrée par une scénographie audacieuse signée Cyrille van Dievoet et Hugo Travaux. L’espace a été transformé en un échiquier géant, où les pièces sculpturales devenaient les protagonistes d’un jeu de stratégie visuel et symbolique. Cette mise en scène immersive a offert une relecture poétique et conceptuelle du design, brouillant les frontières entre fonction et fiction. Au cœur de cette installation, les œuvres de Gaetano Pesce — figure majeure du design radical — occupaient l’espace avec puissance et humour. Sa célèbre chaise Greene Street (1987) et plusieurs pièces issues de la série Nobody’s Perfect (2002) étaient présentées comme autant de figures hybrides et colorées, célébrant l’imperfection comme un acte de création.
Une expérience visuelle et sensorielle inédite, à la croisée du design, de l’installation et du théâtre, qui affirmait avec force la vitalité d’une scène indépendante en pleine réinvention. À travers cette scénographie radicale, Pulp Galerie revendiquait clairement sa posture : présenter ses pièces non comme de simples objets fonctionnels, mais comme des œuvres d’art à part entière, capables de susciter l’émotion, la réflexion, et de bousculer les hiérarchies entre disciplines. Un manifeste spatial autant qu’esthétique, à l’image d’une nouvelle génération de galeries qui redéfinissent les codes du design contemporain.

Objects with Narratives
La Room of Desire, imaginée par la galerie Objects With Narratives, s’est imposée comme l’un des espaces les plus immersifs et envoûtants de la foire. En explorant les thèmes de l’intimité, du désir et de la sensualité, la scénographie plongeait les visiteurs dans une atmosphère tamisée, presque hypnotique, dominée par une palette de rouges profonds et sensuels. Pensée comme une alcôve contemporaine, la pièce mêlait matières brutes et nobles — du bronze patiné à l’aluminium moulé, en passant par le bois et le verre — pour créer un dialogue tactile entre les œuvres et les sens.
Des créateurs comme Laurids Gallée, connu pour ses volumes vibrants et lumineux, ou Ben Storms, dont les pièces sculpturales jouent avec la tension entre masse et légèreté, incarnaient cette dualité entre puissance et délicatesse. Chaque meuble, chaque sculpture devenait une invitation à ressentir, à s’attarder, à contempler. Plus qu’un simple espace d’exposition, la Room of Desire revendiquait une forme de narration émotionnelle, plaçant le design dans une zone de friction entre fonction et fantasme. Une expérience autant physique que mentale, pensée pour marquer les esprits bien au-delà de la visite.

Galerie Gastou
À travers une mise en scène saisissante, la Galerie Gastou a offert un véritable voyage dans le temps, transportant les visiteurs au cœur de l’Égypte ancienne. Inspirée des codes esthétiques et symboliques de l’époque pharaonique, la scénographie convoquait l’imaginaire des temples et des tombeaux, entre monumentalité silencieuse et sacralité des formes. Dans cet écrin à la fois épuré et solennel, les œuvres d’Omar Chakil prenaient une dimension presque mystique.
Ses créations, qui mêlent avec virtuosité matériaux bruts — pierre, bronze, bois fossilisé — et éléments précieux comme le laiton poli ou les patines dorées, semblaient émerger de la scénographie comme des vestiges précieux d’un culte oublié. Chaque pièce devenait une relique contemporaine, habitée par une énergie tellurique. L’épure de la mise en scène laissait toute la place à la contemplation, soulignant la force symbolique et spirituelle de chaque œuvre. À travers cette immersion, la galerie réaffirmait son goût pour le design sculptural et les objets porteurs de récit, tout en offrant une interprétation contemporaine et sensible des grands mythes fondateurs de l’art.

Carpenters Workshop Gallery
Carpenters Workshop Gallery a signé un retour remarqué en affirmant une fois encore son rôle de passerelle entre l’art, le design et l’artisanat d’exception. Dans un espace au minimalisme maîtrisé, la galerie présentait une sélection de pièces fonctionnelles à la frontière du sculptural, confirmant sa volonté de brouiller les lignes entre disciplines.
Parmi les œuvres exposées, la nouvelle collection « STUDIES » de Martin Laforêt s’est particulièrement distinguée. Inspirée par le langage de l’architecture urbaine brute, elle explore la matérialité des structures modernes à travers une série de pièces qui convoquent le béton, le bois massif et des lignes anguleuses presque brutalistes. Chaque meuble devient un fragment de paysage métropolitain, repensé comme une sculpture à habiter.
Cette approche, à la fois rigoureuse et sensible, révèle l’intention de Carpenters Workshop Gallery de valoriser des créateurs capables de traduire une pensée architecturale en objet d’usage, tout en conservant une forte charge émotionnelle et esthétique. Une démonstration subtile de design comme forme d’art à part entière.

Galerie Pradier-Jeauneau
La Galerie Pradier-Jeauneau a une fois de plus affirmé sa position de laboratoire du design contemporain français en dévoilant une sélection raffinée de pièces alliant modernité et savoir-faire artisanal. Parmi les œuvres présentées, un tableau vibrant de l’artiste Anaïs Vindel a attiré les regards, dialoguant subtilement avec les lignes sculpturales de fauteuils signés ARP et d’autres pièces uniques éditées par la galerie. Dans un espace soigneusement mis en scène en collaboration avec MISIA, textures monochromes et matières nobles offraient un écrin idéal pour cette rencontre entre art et design.

Des galeries émergentes à l’honneur
L’édition 2025 a également été l’occasion de découvrir de nouvelles galeries parisiennes telles que Signé, spécialisée dans le design contemporain, Amelie Maison d’Art, dédiée à l’art émergent, et la Maison Intègre, mettant en avant le design et l’artisanat d’Afrique de l’Ouest. Ces espaces ont enrichi le salon par leur approche novatrice et leur sélection pointue d’artistes et de designers.
Palmarès et distinctions
Le jury du PAD Paris 2025 a distingué trois expositions d’exception, saluant des approches à la fois rigoureuses et sensibles du design. Le Prix du Stand a été attribué à Pierre Passebon pour la Galerie du Passage (stand 72), dont la présentation dédiée à Richard Peduzzi a séduit par son harmonie subtile. Mobilier, dessins, tapis et tapisseries dialoguaient avec une cohérence rare, célébrant toute la richesse du vocabulaire plastique de l’artiste.

Le Prix du Design Contemporain est revenu à Romain Morandi (stand 10) pour sa spectaculaire chaise longue Flame Cut : une pièce unique, conçue à l’origine pour le château de Sudeley au Royaume-Uni, où la découpe brute du métal se transforme en geste sculptural.

Enfin, le Prix du Design Historique a récompensé la galerie Meubles et Lumières pour la présentation d’un chef-d’œuvre signé Maria Pergay : un somptueux lit à baldaquin en acier inoxydable, imaginé en 1971 pour le shah d’Iran. Une pièce iconique, entre radicalité futuriste et raffinement royal.

Le PAD Paris 2025 a ainsi confirmé son rôle de plateforme essentielle pour le dialogue entre tradition et innovation, offrant aux visiteurs une immersion au cœur des tendances actuelles du design et de l’art contemporain.