art
Partager cet article
art

Kwong Wing Kwan Solo Show Galerie Cadet Capela : « Good Morning, Sweet Dreams. – Midnight Sun » – L’interview exclusive

Date : 6 octobre 2023
Auteur :

Rencontre avec Kwong Wing Kwan à l’honneur de son premier Solo Show européen au sein de la galerie Cadet Capela, cette jeune artiste honkhongaise dont les œuvres transportent autant qu’elles fascinent, de par un travail d’observation, de lumière et de superpositions finement maîtrisé dont en découle de fortes émotions… Découverte.

Kwong Wing Kwan dans son atelier © Courtesy of Kwong Wing Kwan.

Comment vous présenteriez-vous en quelques mots ?

Un chat sauvage qui préfère rester à la maison.

Vous présentez maintenant votre premier Solo Show européen chez Cadet Capela, « Good Morning, Sweet Dreams. – Midnight Sun » – pourriez-vous nous conter votre ligne directrice ?

L’imaginaire de ce show se déroule entre le crépuscule et l’aube, sur les toiles se juxtaposent des paysages et leurs lumières, mais aussi ces jeux d’ombres intérieurs qui peuvent faire transparaître un certain contraste entre une sensation de tendresse et de violence ; une sensation de familiarité et de distance.

Mes œuvres réalisées pour le show « Good Morning, Sweet Dreams. – Midnight Sun » présentent ces paysages oscillant entre le jour et la nuit, des oeuvres au sein desquelles j’explore également le sujet du « chez-sois » et de l’engouement de chacun pour ce que l’on appelle « maison ». Une sensibilité venant du fait qu’à partir de 2021, mes parents et certains amis qui vivaient initialement à Hong Kong ont quitté leur foyer pour diverses raisons. Ainsi, ce qui chevauche les paysages apparemment familiers ne se limite plus aux lueurs séduisantes de l’éclairage domestique, mais aussi aux images de dégénérescence et de glamour éblouissant qui réveillent constamment la ville. Même lorsque l’on est à la maison, le sentiment du mal du pays prévaut constamment.

Kwong Wing Kwan – « Voyage to recollect « , 2022, Oil on canvas, 200 x 160 cm – © Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

Comment avez-vous débuté votre parcours artistique ?

Quand j’étais enfant, j’étais souvent amenée à dîner avec ma famille et leurs amis de nationalités différentes. De par la barrière de la langue, il m’était difficile d’engager la conversation. Pour surmonter l’anxiété provoquée par cette frustration de ne pouvoir communiquer, j’ai trouvé mon réconfort dans l’art. Cependant, tout s’est sincèrement souligné lorsque mon frère est tragiquement décédé alors que je n’avais que dix ans. L’art est alors devenu pour moi un moyen d’exprimer toutes ces émotions qui m’étaient compliquées à partager : l’art est alors devenu ma forme de thérapie personnelle.

Kwong Wing Kwan, « Distant thunder XV « , 2023, Oil on canvas, 200 x 160 cm – © Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

Quelles sont vos plus grandes influences et inspirations ?

Mes inspirations viennent de sensations telles que les perturbations, l’anxiété, la nature éphémère de la vie, les moments eux-même éphémères, la mortalité, la météo, la transformation, le concept du chez-soi, le désir d’être chez-soi, le jetlag et le manque de sommeil, la beauté des couchers et des levers du soleil, l’introspection, la distance, les souvenirs, l’expérience en tant que migrant, le besoin de sécurité, la présence de la lumière, les corps célestes, l’immensité de l’univers et le sentiment de solitude. L’inspiration peut se manifester sous diverses formes et se retrouver à différents endroits, tout comme la présence d’air et de particules. C’est comme si j’avais un capteur intégré capable de détecter l’inspiration, même s’il peut parfois ne pas fonctionner correctement. C’est souvent lorsque je suis détendue et que je ne la recherche pas activement qu’elle me vient plus facilement.

Pouvez-vous décrire votre processus créatif ?

Mon objectif est de capturer l’essence transparente des reflets intérieurs, des moustiquaires et des gouttes de pluie s’imposant parfois sur ces fenêtres au sein de mes œuvres. Pour y parvenir, je vais créer plusieurs calques, en ajustant soigneusement la palette de couleurs pour chacun. Même une ligne pouvant sembler ‘simple’ peut être composée de plus d’une douzaine de couleurs. J’applique la couleur d’arrière-plan en fine couche et je la superpose d’autres aplats afin de créer un dégradé lisse et profond. Chaque oeuvre me demande beaucoup de temps.

De gauche à droite – Kwong Wing Kwan, « Voyage to recollect IV », 2023, Oil on canvas, 80 x 120 cm – « Distant thunder XIII « , 2022, Oil on canvas, 60 x 75 cm – « Good Morning, Sweet Dreams. V », 2022, Oil on canvas, 180 x 240 cm – © Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

Comment surmonter les blocages créatifs ou les moments de doute ?

Commencez par vous engager dans toutes les idées ou tâches qui vous viennent naturellement à l’esprit, et à travers ce processus, le travail lui-même vous guidera vers ce qui nécessitera ensuite votre attention. Afin d’entrer en contact avec des personnes qui apprécient votre travail et ont confiance en vos capacités, il est crucial de vaincre ce doute de soi et de cultiver cette véritable confiance.

Quels thèmes ou sujets vous attirent et pourquoi ?

La lumière de la nature transitoire, le caractère inévitable de la mortalité, il devient impératif de chercher du réconfort en identifiant les éléments de valeur dans ces moments éphémères.

Comment espérez-vous que les gens interprètent votre travail ?

J’apprécie le fait que les autres soient capables de comprendre mes pensées, mais je trouve aussi fascinant de pouvoir transmettre un message que je n’avais jamais anticipé. Ma principale préoccupation est que ce message soit ignoré et oublié sans aucune réflexion.

De gauche à droite – Kwong Wing Kwan, « Voyage to recollect III », 2023, Oil on canvas, 160 x 120 cm – « Time in suspension XI « , 2023, Oil on canvas, 120 x 80 cm. © Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

Comment votre style a-t-il évolué au fil du temps ?

Tout au long de mon parcours artistique, je me suis lancé dans de nombreuses séries qui englobent une gamme diversifiée de matériaux et de techniques innovantes. Cependant, le thème sous-jacent qui unifie ces œuvres est la disparition tragique et prématurée de mon frère, qui a été une profonde source d’inspiration pour mon expression artistique.

De gauche à droite – Kwong Wing Kwan, « Distant thunder XV « , 2023, Oil on canvas, 200 x 160 cm – « Voyage to recollect II », 2023, Oil on canvas, 160 x 120 cm. © Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

Quelle a été votre pièce la plus difficile et pourquoi ?

J’ai utilisé un diluant à peinture comme médium dans la création de mes œuvres pour ma remise de diplômes. J’ai inhalé par inadvertance une quantité excessive de substances dangereuses, ce qui a entraîné des saignements de nez fréquents tout au long de la journée.

Pouvez-vous partager un moment de votre carrière qui a été particulièrement mémorable ou crucial ?

Je suis profondément reconnaissante d’avoir eu l’opportunité de présenter ma première exposition personnelle à Paris. Intitulée « Voyage to Recollect IV », cette œuvre a été spécialement conçue pour Paris. Dans la série « Good Morning, Sweet Dreams », j’ai volontairement omis la présence de bâtiments ; cependant, cette œuvre d’art particulière marque la première fois où des structures architecturales sont incorporées. La scène représentée dans le tableau est dérivée de la vue extérieure à mon atelier. Dès le début, j’ai remarqué une ressemblance entre la petite tour électrique et l’emblématique Tour Eiffel. Je ne pensais pas que des années plus tard, j’aurais le privilège d’accueillir une exposition personnelle à Paris. Cette tournure imprévue des événements a évoqué un sentiment d’enchantement et un lien profond avec la ville.

Kwong Wing Kwan, « Voyage to recollect IV », 2023, Oil on canvas, 80 x 120 cm.

Travaillez-vous actuellement sur de nouveaux projets ou séries ?

J’ai tout dédié à cette exposition à Paris ! Néanmoins, j’envisage déjà un autre concept, peut-être produire davantage d’œuvres inspirées du phénomène du soleil de minuit : le sous-titre de l’exposition, « Soleil de minuit », doit son nom à un phénomène naturel qui se produit en été dans les zones situées au-dessus du cercle polaire arctique ou en dessous du cercle antarctique. Ce phénomène fait référence au fait que le Soleil est visible à minuit dans ces régions, où l’inclinaison de l’axe de la Terre ainsi que sa rotation et sa révolution font parfois apparaître l’aube avant le crépuscule.

De gauche à droite – « Time in suspension XI « , 2023, Oil on canvas, 120 x 80 cm – « Time in suspension X « , 2022, Oil on canvas, 100 x 80 cm – « Distant thunder XIV « , 2023, Oil on canvas, 183 x 152 cm. © Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

Comment définissez-vous le succès en tant qu’artiste ?

Dans la poursuite de la création artistique, on peut se concentrer uniquement sur l’acte en lui-même de produire son art sans aucune préoccupation ni distraction.

Y a-t-il un travail auquel vous êtes particulièrement attaché ? Pourquoi ?

J’ai d’abord trouvé la lampe circulaire de mon œuvre « Voyage to Recollect II » captivante. C’était la même lampe qui éclairait mon ancien chez-moi. Son reflet ressemblait à la fois à la lune et au soleil. Depuis, j’ai développé un penchant pour l’observation des lumières et des reflets produits par d’autres lampes. Ces divers reflets intérieurs indiquent non seulement la présence d’individus, mais éliminent également intentionnellement le reflet des personnes, intensifiant ainsi les sentiments de solitude et de séparation que je cherche parfois à évoquer. Ma fascination ne réside pas dans le paysage lui-même, mais plutôt dans la nature éphémère du moment.

De gauche à droite – Kwong Wing Kwan, « Voyage to recollect IV », 2023, Oil on canvas, 80 x 120 cm – « Distant thunder XIII « , 2022, Oil on canvas, 60 x 75 cm – « Good Morning, Sweet Dreams. V », 2022, Oil on canvas, 180 x 240 cm. © Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

Comment continuez-vous à grandir et à apprendre en tant qu’artiste ?

Je me voue toujours à des discussions avec mes œuvres. Elles me mèneront aux étapes suivantes.

Y a-t-il des artistes ou des mouvements que vous avez récemment découverts et qui vous passionnent ?

Lors de ma visite de l’observatoire Enoura imaginé par l’artiste Hiroshi Sugimoto au Japon, j’ai ressenti un profond sentiment d’illumination.

Votre livre préféré ?

« Douleur Exquise » de Sophie Calle.

Film préféré ?

« The Shining » réalisé par Stanley Kubrick.

© Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

ENGLISH VERSION

How would you present yourself in a few words?  

A wild cat who prefers to stay at home.

You are now presenting your first European Solo Show at Cadet Capela, “Good Morning, Sweet Dreams. – Midnight Sun” – could you tell us the story of the directive line for this show? 

The series “Good Morning, Sweet Dreams”, set between dusk and dawn, juxtaposes exterior landscapes with interior lights and shadows to capture contrasting qualities of tenderness against violence; familiarity versus distance. In continuation, my recent works in the exhibition “Good Morning, Sweet Dreams. – Midnight Sun” accentuate sceneries oscillating between day and night, in exploration of the concept of “home” and ones’ infatuation towards it.

Since 2021, some of my friends and relatives who originally lived in Hong Kong have moved away from their “homes” due to various reasons. What overlapped with the seemingly familiar landscapes are no longer limited to the beguiling glimmers of domestic lighting, but also images of degeneration and dazzling glamour that are constantly reawaken of the city. Even while being at home, the feeling of homesick constantly prevails.

How did you get started in your artistic journey?

When I was a child, I used to have meals with my family and their friends from various countries, but I couldn’t engage in the conversation. To overcome the anxiety caused by the language barrier, I found solace in art. However, everything changed when my brother tragically passed away from a heart attack when I was ten years old. Art then became a means for me to express the intricate emotions that I found difficult to communicate to others. It became my personal form of therapy.

What or who are your biggest influences and inspirations? 

Some of the things that inspire me include disruption, anxiety, the fleeting nature of life, fleeting moments, mortality, weather, transformation, the concept of home, longing for home, the effects of travel and lack of sleep, the beauty of sunsets and sunrises, introspection, distance, memories, the experience of being a migrant, the need for security, the presence of light, the celestial bodies, the vastness of the universe, and feelings of loneliness. Inspiration can manifest itself in various forms and can be found in different places, much like the presence of air and particles. It’s as if I have a built-in sensor that can detect inspiration, although sometimes it may not function properly. I find that when I am relaxed and not actively seeking it, inspiration comes more easily to me.

Can you describe your creative process? 

My aim is to capture the transparent essence of indoor reflections, window screens, and raindrops in my artwork. To achieve this, I will create multiple layers, carefully adjusting the color palette for each layer. Even a seemingly simple line may be composed of over a dozen colors. Additionally, I apply the background color thinly and layer it to create a smooth and deep gradient. As a result, it takes me a significant amount of time to finish each artwork.

How do you overcome creative blocks or moments of doubt? 

Begin by engaging in whatever ideas or tasks naturally come to your mind, and through this process, the work itself will guide you towards what requires your attention next. In order to connect with individuals who appreciate your work and have faith in your abilities, it is crucial to conquer any self-doubt and cultivate self-assurance.

What themes or subjects do you find yourself drawn to and why? 

In light of the transitory nature of life and the inevitability of mortality, it becomes imperative to seek solace in identifying elements of value within these fleeting moments.

How do you hope people interpret your work? 

I am appreciative of the fact that others are able to comprehend my thoughts, yet I also find it intriguing that I am able to convey a message that I had never anticipated. My primary concern is that this message will be disregarded and forgotten without any contemplation.

How has your style evolved over time?

Throughout my artistic career, I have embarked on numerous series that encompass a diverse range of materials and innovative techniques. However, the underlying theme that unifies these bodies of work is the tragic and untimely demise of my brother, which has served as a profound source of inspiration for my artistic expression.

What has been your most challenging piece, and why? 

I employed paint thinner as a medium in the creation of my artwork for the graduation show. I inadvertently inhaled an excessive amount of hazardous substances, leading to frequent nosebleeds throughout the day.

Can you share a moment in your career that was particularly memorable or pivotal? 

I am deeply appreciative of the opportunity to present my first solo exhibition in Paris. Titled « Voyage to Recollect IV, » this work was specifically crafted with Paris in mind. In the « Good Morning, Sweet Dreams » series, I purposefully omitted the presence of buildings; however, this particular artwork marks the first instance where architectural structures are incorporated. The depicted scene in the painting is derived from the view outside my studio. From the onset, I noticed a resemblance between the small electric tower and the iconic Eiffel Tower. Little did I anticipate that years later, I would be granted the privilege of hosting a solo exhibition in Paris. This unforeseen turn of events evoked a sense of enchantment and a profound connection to the city.

Are you currently working on any new projects or series? 

I dedicated everything to this exhibition in Paris! Nevertheless, I am already contemplating another concept, maybe to produce more artworks inspired by the phenomenon of the midnight sun.

The subtitle of the exhibition « midnight sun » is named after a natural phenomenon that occurs in the summer in areas above the Arctic Circle or below the Antarctic Circle. This phenomenon refers to the Sun being visible at midnight in these regions, where the tilt of the earth’s axis and its rotation and revolution sometimes cause dawn to appear before dusk. 

How do you define success as an artist? 

In the pursuit of artistic creation, one can solely concentrate on the act of producing art without any concerns or distractions.

Is there a piece of work you’re particularly attached to? Why? 

I initially found the circular lamp in my artwork « Voyage to Recollect II » to be captivating. It was the same lamp that used to illuminate my old house. Its reflection resembled both the moon in the sky and the sun. Since then, I have developed a fondness for observing the lights and reflections produced by other lamps. These various indoor reflections not only indicate the presence of individuals, but they also intentionally eliminate the reflection of people, intensifying the feelings of solitude and separation. My fascination lies not in the scenery itself, but rather in the transient nature of the moment. 

How do you continue to grow and learn as an artist? 

I will keep participating in discussions with the artworks. They will lead me to the subsequent stage.

Are there any artists or movements you’ve recently discovered that excite you? 

Upon my visit to Hiroshi Sugimoto’s Enoura Observatory, I experienced a profound sense of enlightenment.

Your favorite book?

“Douleur Exquise” by Sophie Calle.

Favorite movie?

“The Shining” directed by Stanley Kubrick.

© Courtesy of Kwong Wing Kwan and cadet capela © Credits photo: Thomas Marroni.

related news

l'actualité du luxe vient à vous