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Justin Weiler : L’art d’un labyrinthe en clair-obscur chez Romero Paprocki

Date : 9 mai 2025
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À la Galerie Romero Paprocki, l’exposition « Operire #10 » métamorphose la peinture en architecture mouvante. Il y a, dès l’entrée, cette impression délicieuse d’être en dehors du monde, ou plutôt en dedans — dans un monde réfracté, traversé de lueurs et de silences. Sous l’impulsion de l’artiste Justin Weiler, la Galerie Romero Paprocki se fait matrice. Un espace qui ne s’observe pas, mais se traverse. Mieux encore : qui nous traverse.

©Allison Borgo

Ici, la peinture ne se pose plus sur toile. Elle s’infiltre dans le verre, épouse la lumière, se diffracte et se dérobe, jusqu’à devenir lieu. Trois salles, comme autant d’actes d’un poème visuel, orchestrent une progression quasi chorégraphique. Le spectateur est absorbé, happé dans un labyrinthe de stèles sombres et de murs vibrants. À chaque pas, les œuvres se modulent. Elles se révèlent puis se retirent. Il ne s’agit plus de regarder : il faut habiter, épouser les contours, dialoguer avec les ombres.

Les noirs profonds et les bleus d’outre-nuit composent un théâtre d’absorption. Puis, soudain, des « Dédale » aux couleurs vives viennent ouvrir une brèche, projetant une lumière presque tactile qui redessine l’espace. Entre sculpture et peinture, les « Mapp » prennent corps : bas-reliefs organiques, fragments d’architectures mentales, ils poursuivent ce jeu d’effacement et de révélation. La matière ne dit rien de façon immédiate. Elle suggère, elle murmure, elle attend qu’on la frôle.

©Allison Borgo

Justin Weiler signe ici une œuvre totale, sensible à l’invisible. Ses pièces ne tiennent pas du simple accrochage mais d’un agencement atmosphérique où chaque reflet, chaque interstice est pensé. L’exposition devient ainsi le prolongement d’un geste pictural étiré à ses extrémités : celui d’un artiste qui refuse la complaisance du cadre et qui, en jouant avec les frontières de l’abstraction, touche à l’essence même du regard.

©Allison Borgo

On pense à Turrell, à Duchamp, à Malevitch ou Beckett — mais les références, ici, ne sont que des échos. Car Justin Weiler ne cite pas, il fabrique. Il construit des seuils. Des portes sans clés. Des paysages mentaux d’où l’on ressort avec le vertige discret de ceux qui ont perçu, l’espace d’un instant, l’infime mouvement de la lumière sur l’inconscient. À d’écouvrir jusqu’au 31 mai à la galerie Romero Paprocki, 8 rue Saint-Claude, 75003 Paris.

©Allison Borgo

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