Du 7 au 18 avril 2025, la maison Phillips transforme son espace parisien en véritable écrin dédié à David Hockney, figure emblématique de l’art contemporain. Une exposition exceptionnelle y rassemble une sélection d’œuvres emblématiques issues de la quatrième vente aux enchères annuelle consacrée à l’artiste, prévue en septembre, mais aussi des pièces disponibles en vente privée et des prêts provenant de collections privées prestigieuses.
Galerie Mariane Ibrahim : Une exposition en résistance signée Lorraine O’Grady, entre mémoire, mascarade et majesté
Du 3 avril au 31 mai 2025, la galerie Mariane Ibrahim à Paris rend un hommage vibrant à Lorraine O’Grady, figure pionnière et indomptable de l’art conceptuel américain. Première exposition posthume depuis la disparition de l’artiste en décembre dernier, cette présentation réunit plus de quarante ans de création – une plongée dense, frontale et nécessaire dans une œuvre qui a toujours préféré la subversion à la séduction, la complexité au consensus.

Artiste en éclats, femme en combat
Difficile de contenir Lorraine O’Grady dans une étiquette. Poétesse, performeuse, théoricienne, intellectuelle, elle aura traversé les décennies comme on traverse une scène : en incarnant ses idées. Face aux injonctions d’un monde de l’art trop souvent sourd aux voix noires et féminines, elle choisit la collision. Celle des esthétiques, des identités, des récits. Mlle Bourgeoise Noire, personnage flamboyant et radical qu’elle interprète dès 1981, entre robes de gants et cris poétiques, ouvre l’exposition comme un manifeste en marche : celui d’une subjectivité noire refusant l’invisibilisation et l’instrumentalisation.


Rivers, First Draft : rêve en trois actes et corps en dialogue
Au cœur du parcours, Rivers, First Draft (1982) fascine. Œuvre rare, performée une seule fois au Loch de Central Park dans le cadre d’Art Across the Park, elle se déploie ici comme un souvenir en archipel. Collage spatial et mental, cette pièce met en scène trois itérations de l’artiste – jeune fille, adolescente, femme adulte – évoluant simultanément, et presque mystiquement, dans trois zones distinctes du parc. Une rêverie chorégraphiée où résonnent les racines caribéennes d’O’Grady, ses années de formation en Nouvelle-Angleterre et ses luttes d’artiste noire en Amérique.


Le collage comme arme, la performance comme langue
Ce que l’on ressent dans chaque œuvre, c’est une tension palpable entre lucidité politique et lyrisme plastique. O’Grady n’illustre pas ses idées, elle les performe, les incarne, les éclaire avec une érudition fulgurante, nourrie par le surréalisme, le dadaïsme et la littérature française. Fan assumée de Breton, Duchamp et Rimbaud, elle évoque une esthétique de la « collision » : chez elle, tout heurte, se frotte, mais jamais ne se désintègre. Le collage, loin de morceler, devient un geste d’unification.

Writing in space : quand la performance habite le mur
À mesure que le temps passe, que le corps fatigue, O’Grady transforme sa pratique. Le mouvement devient image. Le geste devient texte. Elle invente alors une nouvelle forme : le writing in space. Plus qu’un transfert de la performance vers l’installation, il s’agit d’un glissement de temporalité – l’action ne disparaît pas, elle se métamorphose. Dans Body is the Ground of My Experience (1991), la chair devient territoire, le corps lieu d’archive et de résistance.

Le diptyque The Clearing en est l’illustration puissante : à gauche, une scène bucolique presque céleste, à droite, une vision brutale du pouvoir et de la domination. En confrontant les mythes fondateurs américains à leurs non-dits, O’Grady réécrit l’Histoire à hauteur de peau, de souffle et de mémoire.
L’héritage d’une combattante lucide
Ce qui frappe dans cette exposition, au-delà de la richesse visuelle, c’est la cohérence radicale de l’artiste. O’Grady n’a jamais fléchi. De Mlle Bourgeoise Noire au Knight, ses figures ne sont pas des masques, mais des révélateurs. Elles exposent les impensés, les hypocrisies, les injustices. Elles ne s’excusent de rien, et surtout pas d’exister pleinement.
Chez Mariane Ibrahim, cette exposition ne se contente pas de célébrer une œuvre : elle invite à la penser, à la confronter, à s’y mesurer. Car O’Grady, même absente, continue d’enseigner. À qui veut bien l’écouter, elle murmure encore : Both/And. Et non pas l’un ou l’autre. Mais tout. À la fois.
