Dans les jardins paisibles de la Villa Albani Torlonia, sous un ciel de fin mai teinté de mélancolie romaine, Maria Grazia Chiuri a salué une dernière fois. Avec son défilé croisière 2026, présenté dans sa ville natale, la créatrice a offert bien plus qu’une collection : une révérence délicate, empreinte de fierté, de gratitude et de poésie. Après neuf années à la tête de l’univers féminin de Dior, elle s’apprête à tourner la page.
Dior Cruise 2026 : Un acte en clair-obscur pour Maria Grazia Chiuri à Rome
Dans le bruissement délicat des feuillages de la Villa Albani Torlonia, à Rome, Dior a écrit un nouveau chapitre de son histoire — peut-être le dernier signé Maria Grazia Chiuri. Pour cette collection Croisière 2026, la créatrice italienne a choisi de revenir à ses origines, dans sa ville natale, pour mieux orchestrer un final qui a résonné comme un poème baroque dédié à la beauté, au théâtre et à la mémoire.

Ce défilé n’était pas seulement une présentation de silhouettes. C’était une déclaration. Une offrande. Un voyage intime et émotionnel dans une Rome réinventée, pétrie d’échos historiques, de réminiscences de la dolce vita et de souffle cinématographique. Un théâtre de l’âme où chaque robe devenait rôle, chaque modèle, héroïne.
Une mise en scène comme un opéra silencieux

Le jardin sculpté de la Villa Albani Torlonia, habituellement fermé au public, s’est mué en scène ouverte. Entre statues antiques et topiaires impeccables, une troupe blanche de danseurs et de mimes a animé l’avant-show dans un tableau vivant digne de la Commedia dell’Arte. L’atmosphère, suspendue, a préparé le terrain à une collection où la scénographie était aussi puissante que les vêtements eux-mêmes.
Le choix du blanc, omniprésent, évoquait à la fois le “Bal Blanc” donné par la mécène Mimi Pecci-Blunt — figure chère à Maria Grazia Chiuri — et une certaine idée de la pureté, de l’intemporalité. À travers ces références, la directrice artistique a tissé un fil narratif entre passé et présent, art et artisanat, Rome et Dior.

La quintessence d’un style
Sur le podium de galets, les modèles défilaient en chaussures plates, presque religieusement. Des robes-colonnes transparentes en organza ou en dentelle ciselée, des capes majestueuses, des vestes militaires revisitées et des manteaux sculpturaux structuraient la collection. Certaines pièces semblaient à peine toucher le corps, tant elles étaient légères. D’autres, au contraire, évoquaient l’armure, le cérémonial, la force féminine. Il y avait du souffle dans chaque couture, de l’histoire dans chaque drapé.
La créatrice, fidèle à ses engagements, a mis à l’honneur le travail des artisans romains — des ateliers Tirelli aux collaborations avec Pietro Ruffo, illustrateur dont les motifs inspirés de la Domus Aurea ornaient robes, manteaux et chemises comme des fresques anciennes réinterprétées.

Une Rome intime et politique
Chez Dior, les Croisières ont toujours été des cartes postales culturelles. Mais à Rome, c’est l’âme de Maria Grazia Chiuri qui s’exprimait. Elle y a glissé ses amours, ses luttes, ses références personnelles. De la mémoire de Valentino à son attachement au Teatro della Cometa qu’elle a restauré, en passant par les silhouettes d’inspiration ecclésiastique en clin d’œil au cardinal Pecci, son univers s’est dévoilé comme jamais.

Et si cette collection marquait un au revoir ? Le murmure courait déjà avant même que les premiers modèles n’apparaissent. Et pourtant, la créatrice ne s’est pas laissée aller à la nostalgie. Le défilé était celui d’une femme qui transmet, qui affirme, qui élève.

Une ovation pour une décennie de féminisme couture
Maria Grazia Chiuri a passé près de dix ans chez Dior à redéfinir la place de la femme dans la mode. Elle a brandi la broderie comme étendard, mis les mots de Chimamanda Ngozi Adichie sur des t-shirts, ramené le regard sur les mains de celles qui fabriquent. À travers cette collection croisière, elle n’a pas seulement présenté une garde-robe : elle a exposé sa vision.
Une vision d’un luxe sensible, savant, profondément incarné. En refermant le rideau sur ce théâtre romain, la directrice artistique ne s’est pas retirée. Elle a simplement écrit le mot “Fin” au bas d’un acte majeur. Celui d’une créatrice qui a su, en toute discrétion, imprimer son empreinte sur l’histoire d’une maison légendaire.
