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Ôde à l’humanité : Ce qu’il faut retenir de la Fashion Week Parisienne A/H 2022-2023.
Le mois de la mode touche à sa fin, après New-York, Londres et Milan, la fashionsphere se retrouve à Paris pour clôturer le bal de la saison Automne/Hiver 2022-2023.
Dans une ambiance non pas post-pandémie, mais plutôt pre-apocalyptique, la fashion week parisienne a débuté lundi dernier, 4 jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Tandis que le monde entier a les yeux rivés sur la guerre, que se passe-t-il sur les podiums ?
On a du mal à y croire, l’assaut mené par Poutine qui a vu plus de 600 000 personnes fuir les frontières du pays et des attaques contre des civils dans des villes dont la capitale Kiev, causant des pertes de vie dévastatrices, tandis qu’a Paris la fête bat son plein et les défilés s’enchaînent. Un fil d’actualité qui jongle entre nouvelle collection et nouvelles destructions, une discordance de taille qui laisse flotter dans l’air un sentiment désagréable de malaise éthique. La mode offre un fantasme, une évasion, un baume, mais offre aussi un reflet socio-politique au monde qui nous entoure. Et lorsque l’on remet en question son usage, c’est là qu’il nous frappe, entre deux posts, l’image virale d’une femme vêtue d’un manteau de cuir jaune et foulard bleu sur la tête, dans le métro de Moscou. Un message subliminal qui nous rappelle qu’un peuple censuré peut toujours s’exprimer, car la liberté d’expression se traduit également par le langage vestimentaire. Alors que Giorgio Armani marquait le déclenchement de la guerre avec un défilé à la Fashion Week de Milan dans un silence total, à Paris, Ralph Toledano, président de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode, a publié une déclaration invitant les spectateurs à « vivre les spectacles des jours à venir avec solennité, et en reflet de ces heures sombres ».
Pendant ce temps, les spectacles continuent et incluent une série de premières. Parmi eux, le premier défilé parisien de la marque new-yorkaise Vaquera, qui a apporté des formes volumineuses, des bodys des années 1980, des profusions de paillettes, des guirlandes et des imprimés léopards au jour de l’ouverture des défilés. Ce n’étaient pas les seules à venir se présenter à Paris. The Row est venu tout droit de New York pour son défilé parisien, ce dernier se délecte cette saison de fioritures exagérées, romantiques, voire humoristiques qui s’éloignent du classicisme minimaliste auquel la marque est associée. Ainsi des longs cols pointus, hauts décolletés dans une profusion de tulle, cols châles drapés penchent sur l’avant-gardisme japonais et Glamour de l’Ancien Monde. Dans la palette de couleurs typiquement maigre de la marque, les noirs, les blancs et les gris ont été complétés par du kaki et des touches de rouge. Un très bon début sur la scène parisienne pour la marque américaine. Également nouvelle sur le podium français, Cecilie Bahnsens, basée à Copenhague est venue présenter sa collection.Cloque froissée, tulle froncé, soie matelassée : la matérialité complexe et superposée de ses créations se retrouve dans des robes à nœuds, des slips en soie matelassée, des costumes déconstruits transparents et des jupons superposés, associés à des chaussures de plongée. Une palette de couleurs saccharine – vert dragée, blanc glaçage, rose barbe à papa – rehaussée de rouge cerise audacieux (l’une des teintes phare de la saison), du vert émeraude et du bleu Klein. Tandis que ces derniers sont venus faire leurs preuves à Paris en espérant booster leurs carrières, la créatrice Victoria Beckham, déjà très influente à Londres est elle, venue conquérir Paris et asseoir sa notoriété. Pour Beckham, jouer avec les fonctions des vêtements est une seconde nature, et elle ne peut s’empêcher d’ajouter, de nouer et de superposer tout ce qui se trouve devant elle. Elle l’a démontré mercredi dans son showroom parisien pour sa nouvelle collection, qui illustre l’idée de vêtements faits pour être stylisés. L’intelligence de la collection se trouvait dans des vêtements spécialement conçus pour la superposition. Sensible au corps et sensuelle, elle a créé une silhouette à la fois sexy et entièrement couverte de la tête aux pieds, une idée reflétée dans des robes à paillettes superposées à des robes moulantes en organza transparent sur le dessus pour un effet de filtrage qui a également contribué à définir la forme recherchée par Beckham. C’était également la première présentation de la créatrice Ukrainienne, Lilia Litkovskaya, qui préparait son défilé pour la capitale française avant le début de l’invasion, et a fui Kiev via la Pologne avec sa fille de deux ans.
L’actualité était présente au cœur de cette fashion week, car après tout, la mode c’est le reflet de la société interprété par des artistes. Chez Loewe, la renaissance et le chaos étaient au cœur des préoccupations de Jonathan Anderson lors de l’assemblage de la collection A/W 2022. Une première série de mini-robes semblait presque figée dans le temps avec le bruissement d’une jupe sculptée dans les vêtements. Les matériaux tactiles, tels que le latex, la peau lainée, les fibres imprimées en 3D et le tweed, ont imprégné la collection d’une qualité surréaliste alors que des lèvres moulées doublées de plastrons, des soutiens-gorge en forme de ballons et des imprimés en trompe-l’œil trompaient l’œil, la taille des pantalons était garnie de shearling et robes moulantes mettaient en valeur la forme féminine. Une ambiance surréaliste, vision d’un nouveau monde digne de Loewe. Ce qui a été conçu il y a des mois comme un motif métaphorique : gilets pare-balles, équipement tactique, vêtements de protection, coussinets de compression pour illustrer un thème personnel à Olivier Rousteing a inévitablement frappé l’œil sous un jour différent sur la piste. Le show s’est conclu sur sept robes fortes qui combinaient les motifs de cette collection avec certaines des signatures parues pour la première fois sur la piste en Octobre 1945 par Pierre Balmain lors de la toute première présentation de la maison. Avant même Christian Dior, l’imagination de Balmain était la pousse verte de la mode la plus à l’avant-garde de la reconstruction et de l’émergence de Paris après-guerre. Initialement, l’inspiration de la collection était de proposer une armure contre la dysmorphie de l’image en ligne, dont une grande partie des vêtements de protection métaphoriquement illustratifs était inspirée par le bandage et l’équipement de récupération que Rousteing avait été forcé de porter après avoir subi des brûlures dans l’incendie de sa maison. Une collection qui s’écrit dans l’ère de son temps, quand bien même est-il incertain. L’esthétique dystopique et futuriste de Rick Owens ne pouvait pas se sentir plus du moment. Mis en scène au milieu de nuages de brouillard, qui ont été maintenus tout au long de la présentation par des modèles portant des machines à brouillard portables émettant un nouveau parfum créé en collaboration avec Aesop, la vision toujours d’un autre monde d’Owens semblait résumer l’équilibre délicat des temps contemporains. Des silhouettes exagérées avec des épaules proéminentes et des proportions allongées étaient équilibrées par des tissus tactiles éthérés, parfois scintillants de paillettes, conférant à la collection une beauté sensuelle et presque extraterrestre. Tout aussi captivant était le choix de la palette d’Owens, qui allait du cramoisi, du jaune vif et du baby blues pâle, à des tons naturels inattendus comme la poussière, le taupe et un vert pâle veiné. Une ambiance dystopique que l’on a retrouvée chez Balanciaga. Le lien de Demna avec le sort de l’Ukraine est d’autant plus déchirant que l’un des premiers refuges de sa famille se trouvait à Odessa, la belle ville du sud du pays qui est actuellement menacée d’être occupée par les forces russes. Situé dans une rotonde de verre comme une simulation d’un globe de neige géant, la production avait été planifiée comme l’une des confrontations méta immersives de Demna avec les changements climatiques, projetée dans un temps pas très lointain où la neige n’existera pas, et deviendra une merveille seulement « expérimentée » à travers la réalité virtuelle. Mais la mise en scène : des mannequins avançant, courbés contre la neige et le vent, portant pour certains de lourds cabas, a pris une tout autre signification dans le contexte angoissant de la réalité actuelle. Des robes noires asymétriques soufflants volumineusement dans le vent arctique, des hybrides surdimensionnés de sweat à capuche et de vêtements d’extérieur rembourrés ; des vestes en cuir qui s’avèrent être fabriquées à partir de la nouvelle alternative imitant le cuir à base de mycélium de Balenciaga. Et à la fin, deux looks, l’un en survêtement jaune, l’autre une robe bleue avec une longue, longue traîne en forme de drapeau : les deux couleurs incontournables de la nation démocratique et indépendante de l’Ukraine.
Et bien que certains ont présenté leur vision d’un futur proche, si ce n’est présent, cette semaine de la mode parisienne rendait également hommage à la vision d’un défunt. En ouvrant lundi dernier le premier défilé de la saison, Off-White a présenté sa collection A/W 22, mais également une nouvelle ligne de haute couture. On peut dire que le partage de code était à l’honneur sur la piste, une sorte de leçon d’abloh-ismes, des sweats à capuche surélevée aux poches folles de son équipement cargo aux vêtements de couche intermédiaire qui ont fait de telles vagues sur le tapis rouge aux vestes letterman à l’image de marque « citations » pour lesquelles il était si célèbre. Moment phare du défilé, se dressant sur une paire de drapeaux blancs a été imprimé la phrase « Tout remettre en question ». La présence d’Abloh n’était pas très loin. Et pourquoi ne pas lancer la couture ? Abloh n’était pas à court d’idées. Chacun des 28 looks de haute couture a été largement annoté, mais pas avec le nombre d’heures pour cette broderie ou ce voile fait à la main, mais avec de petites histoires. Faisant valoir le point de vue de Pharrell Williams sur le partage des codes, la philosophie d’Off White vise plus loin qu’un simple vêtement, c’est une idéologie qui touche à l’humanité. Un message qui résonne, faisant écho chez de plus en plus de designers.
On célèbre l’humanité, mais également son prochain, comme chez Coperni pour qui le désir ardent de la nature insouciante de la jeunesse nous a refait vivre nos années lycée. La rébellion et la naïveté des adolescents étaient toutes deux exposées sur le podium carré et utilitaire, qui faisait un clin d’œil au cadre spartiate d’une salle de sport d’un lycée américain, avec des rangées de casiers pour étudiants. Sur une bande-son indie sleaze, les designers Arnaud Vaillant et Sébastien Meyer ont réinterprété les codes vestimentaires scolaires en transformant les blazers scolaires en capes et les vestes à chevrons en hauts courts, tandis que les silhouettes reconnaissables des robes de bal ont été réalisées en latex. La subversion de l’habillement uniforme a particulièrement bien fonctionné avec l’attitude provocatrice de la marque, chaque ensemble étant une démonstration assurée de dissidence et de défi. Terminée par des sacs à main en verre sculpturaux, réalisés en collaboration avec le studio de fabrication de verre Heven, la collection A/H 2022 de Coperni est sombre, légère et mémorable à la fois. Chez Rokh, à en juger par les looks, il devait y avoir aussi des filles punks, des scouts et des filles sportives à admirer. S’éloignant du glamour total de la saison dernière, il s’est largement concentré sur la couture, multi-sangles et boucles ; parfois décollées asymétriquement et repliées à la taille. Il se passait beaucoup de choses en plus des grosses éruptions qui rebondissaient sur les épaules des pom-pom girls en veste Varsity. Rok Hwang aime superposer : des jupes sur des pantalons, des robes bustier sur des chemises et des cravates ; puis jetez un filet de cristal sur le terrain pour le soir. Il y avait certainement beaucoup plus de vêtements de jour – sa dernière collection, entièrement basée sur des robes de cocktail et des robes épurées, n’en avait pratiquement pas. C’est peut-être ce qui a poussé Hwang à revenir et à développer sa signature. Si la jeunesse est gâchée par les jeunes, Nicolas Ghesquière n’est pas d’accord. Sa collection A/W 2022 était un hommage à l’adolescence et à la naïveté, l’optimisme, l’introspection et l’émerveillement qui l’accompagnent. Ghesquière, qui a eu 50 ans l’année dernière, a emprunté les premières images du photographe David Sims – qui tire de grandes campagnes pour la maison aujourd’hui – en particulier, certaines images prises par Sims en 1993, juste au moment où Ghesquière a eu 21 ans, une autre majorité. Les photographies des Sims des mannequins Ash Lewis, Tom Bowen et Emma Balfour sont apparues sur des T-shirts portés sous des robes qui semblaient s’évaporer sur leurs bords. Les pantalons amples sont proposés en laines techniques avec une subtile marque de fabrique nautique Ghesquière ou un jock-fly en cuir sur le devant ; les chemises étaient portées avec des cravates à fleurs ; les costumes gonflés comprenaient de gigantesques pardessus à double boutonnage et des vestes à col châle exagérées. Aux pieds, les mannequins portaient des baskets hybrides randonnée-entraînement. Même s’il s’agissait du tout premier défilé de mode à avoir lieu au musée d’Orsay, il n’y avait pas de décor théâtral clinquant. C’étaient les vêtements seuls qui déterminaient l’attitude. C’était puissant, direct, confiant.
Et cette jeunesse insouciante regorge d’énergie, insouciante elle est également sportive. Comme nous le montre Miuccia Prada avec son ensemble court-pull-jupe de la saison dernière, devenu si populaire qu’il revient en force cette saison. Revisitée afin de souligner son succès, la tenue courte et mini-jupe passe sur le court de tennis. Les jupes de tennis étaient plissées et portées basses, coupées ou tourbillonnantes au genou. Les polos étaient épissés avec des panneaux de dentelle placés de manière provocante ; des chaussettes souples en cachemire étaient portées avec des ballerines ou des pantoufles à talons aiguilles. Jouant toujours sur les concepts de naïveté juvénile par rapport à l’âge adulte, Miuccia a associé des pardessus en tweed avec des hauts de survêtement zippés ; chandails à losanges avec des pantalons chauds minuscules. Les robes en tulle transparent brodées et ornées de cristaux étaient exquises et le contrepoint le plus magnifique des bottes de moto et des vestes en cuir. La femme Miu Miu est jeune, sportive et consciente de sa féminité. Dans son sillage, Hermes, également, arbore la sportive sexy. Cherchant à traduire au travers de sa collection, un regard nouveau sur le classicisme et la sophistication de l’héritage d’Hermes mais pour une femme plus moderne, vivant dans l’ère de son temps, elle nous propose une femme s’expose, assumant réellement sa féminité. Ainsi, on aperçoit des shorts ajustés au corps, dans les formes abrégées et techniques des combinaisons tricotées et du cuir moulant. Et le maniement d’une technique opaque transparent en formation de rayures étroites – la géométrie du jeu d’ombres sur un pull ou une jupe évasée avec ses bandes verticales de cuir entrelacées avec des panneaux de dentelle semi-transparents. Pourtant, si de nombreux clients d’Hermès apprécient la modernité, leur fidélité est gagnée par les parties de la production de la maison qui ne changent pas. Une grande partie de l’attrait de la marque réside dans les manteaux – manteaux formels, manteaux de campagne, manteaux à la campagne chic mais portés dans les rues de la ville. Nadège Vanhee-Cybulski a envoyé plusieurs de ces pièces sans faute. Un manteau zippé en cuir noir mat minimaliste ; formes plus faciles en blanc et en marron ; des manteaux et des vestes qui mélangeaient de la laine avec des empiècements et des passepoils en cuir. Une nouvelle vision d’Hermes s’invite sous nos yeux, ce qui est sûr, cependant : les vêtements d’extérieur Hermès sont conçus pour perpétuer son héritage de luxe, quoi qu’il en soit. Tandis que chez Hermes, on modernise la femme sexy, chez son voisin Dior, on s’intéresse à sa perception, plus particulièrement celle de l’homme. Le regard masculin, en particulier, fascine depuis longtemps Maria Grazia Chiuri, dont les collections pour Dior s’inspirent de l’émancipation des femmes et réinterprètent la silhouette libératrice et célébrant la silhouette New Look de 1947 de la maison. Pour la saison à venir, cela s’est traduit par des silhouettes fortes et sportives, qui ont vu la veste Bar de Dior retravaillée et déconstruite en corsets centrés sur le football américain, superposés sur des robes en dentelle délicates et des trench-coats. Des gants de motocross aux couleurs vives étaient associés à des capes, des jupes volumineuses et des robes chemises, des vestes de vélo et des combinaisons de travail étaient juxtaposées à des imprimés floraux féminins et des vichys, et une insouciance moderne vue dans des deux-pièces en denim ample, des smokings en velours décontractés et des manteaux doux en matelassage Cannage. La femme Dior est libre, d’être qui elle veut, et du regard des autres.
Et quand elles ne sont pas sur les bancs de l’école ou en cours de sport, elles font la fête. Pour Di Felice, dont la vision de la marque s’aligne sur la culture du club, les vêtements pour faire la fête, les bons moments et l’évasion, l’image de milliers de canettes en aluminium froissées sur le défilé de la Fashion Week de Paris de la marque évoquait également des boîtes de boissons pressées sous le pied d’un club ou d’un festival. Car oui, Nicolas Di Felice a utilisé une canette en aluminium – brillante, dentelée, douce sous les pieds – comme symbole de la juxtaposition d’éléments qui définissent la femme Courrèges contemporaine. L’automne-hiver 2022 a inauguré une séduction ouverte et nocturne, avec des mini-jupes en vinyle, des hauts à clavicule, des cuissardes et des pantalons en cuir, en bordeaux, noir, argent et rouge cerise et orange. Il y a une désinvolture sportive chez la fille Courrèges, notée dans ses accessoires de sortie insouciants : casquettes de baseball, lunettes de soleil à visière et vêtements d’extérieur matelassés. Cette même énergie fêtarde était également présente chez Dries Van Noten, à la différence près qu’il s’agissait de la nostalgie des soirées décadentes des années 70. Dans cet hôtel particulier d’une vieille famille française, l’horloge s’est apparemment arrêtée il y a 50 ans. Au lieu de personnes vivantes, ce sont des mannequins regroupés dans des pièces lambrissées comme en conversation, penchés veillant sur des rampes, découverts dans une salle de bain, entrevus dans un placard, debout sur des tables ou soudain, de manière déconcertante, assis sur l’escalier du grenier. Les textures richement superposées de sa collection se retrouvent dans un manteau à imprimer animal flirtant sur un pantalon en velours de soie cramoisi profond. Une collection qui nous parle, nostalgie d’un Belge avec les souvenirs anversois des soirées alternatives dans les années 70 et les raves dans les années 90.
A quoi bon vivre dans le passé lorsqu’on peut célébrer le présent ? Saint Laurent a fêté son 60e anniversaire cette saison. La collection A / W 2022 d’Anthony Vaccarello pour la maison française s’est inspirée de l’esthétique art déco pour créer des silhouettes égérie de la parisienne tel qu’on l’aime et la connait. Cela s’est traduit par une collection fluide, sublimement sensuelle, dans une palette de couleurs restreinte, se délectant de noir, de marron chocolat et d’argent, avec des éclats de vert émeraude, avec une aisance et une élégance incroyables. Il y avait des costumes de smoking qui exposaient le décolleté, des robes drapées rasant les épaules, des cabans à épaules carrées associés à des slips en soie, des trenchs en cuir avec de délicates couches de tulle traînant sous leur ourlet et une robe puriste à col roulé associée à des bracelets empilés. Le vestiaire de la nuit est à la poursuite de l’aurore.
La semaine de la mode Parisienne ne serait pas sans son incontournable rendez-vous Chanel. Maison de couture iconique, cette saison pour sa collection A/W 22, elle rend hommage à son héritage et marque de fabrique, le tweed. Ce tissu écossais aristocratique s’est croisé avec la vision de Virginie Viard de l’Angleterre dans les années 1960, un tremblement de jeunesse psychédélique de pochettes de disques vinyles aux couleurs de l’arc-en-ciel, d’ourlets abrégés et de retours à la maison après des fêtes dans la brume de l’aube. Le bilan de ces deux hasards opposés ? Robes droites en cuir effleurant les cuisses portées avec des collants en maille torsadée bleu sarcelle et violet. Tailleurs-jupes et robes-vestes soignés et boxy portés avec des bottes wellington. Certaines vestes ont été généreusement coupées, faisant allusion au look « emprunté de lui » qui perdure tout en évitant les modèles écrasants. Une ambiance pre-Brexit pour une femme Chanel qui n’a pas peur de se mouiller. Le tweed appartient à Chanel comme Sacai appartient à Chitose Abe. Car ce qui fait de Sacai ce qu’il est, et ce qu’il fait de mieux n’est autre que son identité. Chitose Abe est une sorte d’anomalie dans la mode. Elle n’est pas une énigme, mais suscite tout bonnement l’attention. Il est donc remarquable de se rappeler un instant qu’Abe crée sous son propre nom depuis plus de deux décennies, ne s’appuyant pas sur sa propre présence sur les réseaux sociaux ou sur les mentions de célébrités pour sa popularité, mais sur des vêtements brillants et réfléchis qui continuent de se sentir aussi pertinents que jamais. Abe est connue pour ses emblématiques vêtements, fusionnant des idées pour créer de nouveaux modèles hybrides. Ce qu’elle fait si facilement, c’est mélanger le streetwear, des pièces de tous les jours, avec un œil de perfectionniste pour les tissus – après tout, c’est la femme qui a conçu la ligne de haute couture de Jean Paul Gaultier tout en collaborant simultanément avec Nike. Pour son retour à Paris après deux ans passés à Tokyo à affronter la pandémie, les tailles ont été pincées et les hanches exagérées, comme à la recherche d’une silhouette couture. Les jupes gonflées en nylon structuré avaient des cordons de serrage à la taille. Une veste corset était cintrée sur une chemise blanche impeccable. Des doudounes géantes transformées en épaules soignées ; une robe à imprimé floral était équipée de deux énormes poches plaquées. Une maîtrise qui lui vaut pleinement sa renommée. Tandis qu’Abe est maître du vêtement, Pierpaolo Piccioli, lui, est un maître incontesté de la couleur et de la forme. Son habileté à servir une complexité de nuances complémentaires et inattendues est une chose de beauté à observer – un artiste au travail. En particulier, il a le don de créer des looks monochromes qui se sentent tout à fait pertinents, élégants et pas du tout comme des costumes. Cette saison, il s’est penché là-dessus et a livré une collection si optimiste et astucieusement construite qu’avoir exploré un spectre de couleurs aurait semblé hors de propos. Au lieu de cela, il était presque entièrement rose. Piccioli l’a qualifié de « geste radical ». La teinte cerise singulière – qui est ajoutée à la liste officielle de Pantone sous le nom de Pink PP, qui était également le titre de l’émission – a permis au savoir-faire de se démarquer, que ce soit dans des mini-robes droites modernes sculptées, des pardessus pointus, des robes révélant la clavicule ou exagérées des chaussures à plateforme qui s’élevaient et s’élevaient simultanément. Quel est le sens du rose dans tout cela ? « Amour, communauté, énergie, liberté », a déclaré la marque. Et sur cette note, avec la Camera Nazionale della Moda Italiana (la Chambre nationale de la mode italienne), Valentino a fait don d’un demi-million d’euros au HCR pour soutenir les réfugiés ukrainiens.
Ailleurs, on ne focus pas sur son héritage, mais bien au contraire son renouveau. La simplicité n’est pas le premier mot qui vient à l’esprit lorsque vous feuilletez les looks Givenchy ou que vous voyez la structure lumineuse géante à deux niveaux sur laquelle ils ont été présentés. Mais il y avait une nouvelle simplicité dans la deuxième proposition de piste de Matthew M. Williams pour la maison, qui se sentait un peu plus simple que les saisons passées. Rendue en grande partie en vert foncé et noir, la collection était une garde-robe principalement axée sur le streetwear composée des stéréotypes qui accompagnent le territoire, du moins du point de vue de la mode : des t-shirts et des sweat-shirts superposés et à plusieurs niveaux avec des graphismes de logo dans la veine du métal marchandise de groupe ; pantalons baggys en denim et survêtements en cuir ; et de volumineux manteaux de proxénètes qui flottaient le long de la structure en forme de stade baigné dans la lumière de quatre lampes à LED environnantes qui ressemblaient à celles utilisées sur les terrains de football. Une métaphore de la croissance et du renouveau que l’on retrouve chez Issey Miyake également. Inspiré par la beauté des plantes et leur nature sauvage et imprévisible, la collection a été poétiquement regroupée pour imiter diverses formes et aspects de la botanique. Des robes sans couture et asymétriques en forme de rhizome et des silhouettes volumineuses en forme de gousse aux imprimés teints à la main faisant un signe de tête aux coupes transversales de fruits et légumes, et une série de manteaux peints graphiquement qui s’inspirent de la croissance des plantes, la collection aux couleurs vives est à la fois sauvage et merveilleuse. La nature comme muse et la planète comme guide. Il n’y avait pas moyen d’échapper à la crise climatique lors du défilé de Chloé. La directrice créative Gabriela Hearst s’est donné pour mission de transformer ce à quoi ressemble la mode durable, en particulier au niveau du luxe. Chez Chloé, cela signifie utiliser 56 % de matériaux à faible impact dans son offre de prêt-à-porter et agir par le biais de partenariats qui soutiennent les entreprises et les initiatives sociales. C’est cette dernière qui bénéficie cette saison de la gamme Climate Success – des pièces qui dépeignent des paysages lors de catastrophes climatiques, telles que la fonte des glaciers, les sécheresses et les incendies de forêt, réalisées sous forme d’impression sur des vêtements, de tricots intarsia et peintes à la main sur des accessoires. Magnifiquement rendue tout en mettant à nu l’état douloureux du monde, la collection a servi un rappel à plusieurs niveaux qu’il est temps d’agir. Un message similaire chez Marine Serre pour sa collection nommée « disque dur » d’après la capacité de cet équipement à stocker et à protéger les informations essentielles. La nouvelle collection comprime essentiellement la capacité de la marque à brouiller les frontières à tous les niveaux en une distillation suralimentée de ce qu’elle fait le mieux. Des costumes parfaitement taillés aux doudounes sportives – arborant de la même manière le motif de diamant de lune désormais emblématique de la maison – en passant par une série de pièces en tartan qui font un clin d’œil à la fois à l’héritage écossais et au penchant punk lourd, l’étreinte équitable de la collection de multiples représentations a véhiculé une sensation de libération.
La fin de la semaine de la mode Parisienne conclut le mois de la mode. Un événement qui nous a offert beaucoup en matière de réflexion sur la façon dont nous vivons les choses aujourd’hui, faisant défiler des flux infinis où des éclats d’horreur se mêlent à des effusions de frivolité. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire récente que la guerre éclate pendant le mois de la mode, soulignant le contraste difficile entre un secteur qui sert les privilégiés et ceux qui ne prient que pour survivre. Et pourtant, le spectacle continue, et avec lui le cirque des réseaux sociaux qui amplifie l’action, malgré les appels à la sobriété.