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George Rouy – “SHADOWING” au Domaine de Boisgeloup : L’écho des corps, entre ombre et mémoire présenté par Almine Rech, Hannah Barry Gallery et Hauser & Wirth

Date : 20 octobre 2025
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Au Domaine de Boisgeloup, ancienne demeure de Pablo Picasso, le peintre britannique George Rouy se dévoile du 25 octobre au 23 novembre 2025 avec SHADOWING, une exposition organisée par la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte (FABA), présentée avec le soutien des galeries Almine Rech, Hannah Barry Gallery et Hauser & Wirth, conçue pour dialoguer avec l’esprit du maître. Entre tension et apaisement, figuration et abstraction, ses œuvres explorent la présence humaine à travers le reflet, la répétition et le silence. Un face-à-face vibrant entre l’histoire du lieu et la fragilité du corps moderne.


Crédits et Légendes Pablo Picasso in his sculpture studio at Boisgeloup, in front of Grande Statue (1931) and Buste de femme (1931), ca. 1931 – Negative – 6.9 x 11 cm, 2 2/3 x 4 1/3 in / © Archives Olga Ruiz – Picasso, Fundación Almine y Bernard Ruiz – Picasso. Photographer unknown. all rights reserved. © Succession Picasso 2025.

Il y a, dans les salles silencieuses du Domaine de Boisgeloup, une respiration presque humaine. Les murs portent encore la mémoire de Picasso, ses gestes, ses fièvres. Et voici qu’un autre peintre, George Rouy, s’y installe, non pas pour s’y mesurer, mais pour converser.

Sous la curation de la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte (FABA), l’exposition SHADOWING réunit un ensemble d’œuvres inédites, conçues pour ce lieu singulier, où chaque pierre semble contenir un écho. Les toiles, d’une intensité charnelle, dialoguent avec l’architecture comme avec la mémoire. Ici, le corps devient ombre, la lumière respire de l’intérieur, et la peinture, plus qu’un geste, devient une présence.

L’attente, le reflet, la répétition

Rouy appartient à une génération d’artistes qui refusent la fixité. Ses figures — fragmentées, tendues, parfois déformées — oscillent entre désir et effacement, entre humanité et abstraction. Dans SHADOWING, il poursuit cette quête : explorer la présence humaine à travers l’attente, le reflet, la répétition. Les silhouettes semblent flotter dans un entre-deux, ni vivantes ni mortes, habitées par la tension de ce que l’artiste appelle « le corps en guerre avec lui-même ».

Portrait of George Rouy, 2025 – Photo: Kingsley Ifill / 2025. Courtesy the Artist, Almine Rech, Hannah Barry

Ses visages — ou plutôt leurs absences — s’apparentent à des anti-portraits. « Ils ne représentent personne », confie-t-il. « Ce sont des avatars, des formes inventées, comme ces visages générés par l’intelligence artificielle : beaux mais sans âme. » Rouy questionne ainsi notre époque saturée d’images : que reste-t-il de l’humain, lorsque le visage devient surface et le corps, donnée ?

La gravité des corps et la légèreté du geste

Ses toiles vibrent d’un équilibre fragile entre maîtrise et abandon. La palette, restreinte — rose, gris, noir, argent — évoque une sensualité contenue, presque minérale. Le noir, dit-il, « est essentiel », comme s’il en était la matrice. Le gris n’est jamais neutre : il respire, il pèse, il pense.

Dans les salles voûtées de Boisgeloup, les œuvres s’ancrent dans l’espace. Certaines semblent s’élever, d’autres s’effondrer. Toutes portent cette double gravité : celle du corps et celle du monde. Les masses humaines se tordent et se rassemblent, évoquant des foules anonymes, des soldats enlacés, des figures en attente de délivrance. On y perçoit des réminiscences de Guernica — le cri contenu, la ligne d’horizon comme seule échappée.

Mais chez Rouy, rien n’est frontal. Tout passe par la suggestion, le tremblement, le souffle. Le visible ne fait qu’effleurer l’invisible.

George Rouy, SPIDERLET, 2025 – Oil on canvas – 120 x 100 x 3.8 cm – 47 x 39 1/2 x 1 1/2 in (unframed),
122.6 x 102.6 x 5 cm – 48 1/2 x 40 1/2 x 2 in (framed) / © George Rouy – Courtesy of the Artist, Almine Rech, Hannah Barry Gallery – Photo: Damian Griffiths

Le corps comme mémoire du monde

Formé entre figuration et abstraction, George Rouy peint comme on interroge une blessure. Ses œuvres semblent hantées par une question simple : que devient le corps dans un siècle qui le fragmente ?
Sous ses coups de pinceau, l’anatomie se délite, se reforme, se réinvente — non pas pour se perdre, mais pour se rappeler. Chaque toile est un champ de bataille entre la chair et la pensée, entre le mouvement et la retenue, entre la violence du monde et la douceur du geste.

Le peintre, né en 1994 à Sittingbourne, vit et travaille à Faversham. Son langage pictural, viscéral et précis, traduit l’intensité de notre présent. Dans ce lieu chargé d’histoire, il déploie une œuvre à la fois ancrée et intemporelle, comme une méditation sur ce qui persiste — l’ombre, la trace, la forme humaine.

« SHADOWING » – George Rouy at Domaine de Boisgeloup © Photo: Sarah Heitzmann / LUXE.NET

Une conversation avec le silence

Au Domaine de Boisgeloup, SHADOWING n’est pas seulement une exposition : c’est une expérience de résonance.
Les murs dialoguent avec les toiles, les corps avec les ombres, et chaque spectateur devient témoin d’un passage — celui d’une peinture qui regarde, qui écoute, qui attend.

Dans la maison de Picasso, George Rouy poursuit une autre exploration de la figure, non plus comme représentation, mais comme apparition. Entre absence et incarnation, il signe ici une œuvre de maturité précoce, d’une beauté inquiète.

L’art, parfois, ne cherche pas à répondre.
Il se contente de murmurer.
Et dans l’écho de Boisgeloup, l’ombre devient lumière.

George Rouy, Spirit Not in Form, 2025 – Acrylic on canvas – 250 x 230 cm – 98 1/2 x 90 1/2 in (unframed), 252.7 x 232.7 x 5 cm – 99 1/2 x 91 1/2 x 2 in (framed) / © George Rouy – Courtesy of the Artist, Almine Rech, Hannah Barry Gallery – Photo: Damian Griffiths

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