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Harper’s NY : Une première exposition personnelle à New York signée Laure Mary – L’Art de l’Absence et de l’Intime

Date : 3 septembre 2025
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Pour sa première exposition personnelle à New York, Laure Mary dévoile un travail d’une rare intensité, où l’absence devient matière et le silence, un langage. Longtemps associée à des compositions vibrantes et oniriques, l’artiste française opère ici un dépouillement radical, né d’un geste intime : se délester de tout, sauf des livres qui l’accompagnent. De cette épure surgit une peinture plus nue, plus incisive, où chaque détail agit comme une énigme à résoudre. Being Normal Is Really Not Normal est une invitation à contempler l’inattendu : un œuf fissuré, une lumière sous une porte, des fragments suspendus entre apparition et disparition. À la manière d’Hemingway et de Bret Easton Ellis, dont les mots hantent discrètement l’exposition, Laure Mary explore la dramaturgie de ce qui manque, la puissance de ce qui n’est pas dit. Ses toiles, à la fois claires et troublantes, rappellent que la normalité est une illusion, que la vérité se cache dans les interstices, et que la beauté surgit souvent là où l’on a osé retrancher.

Laure Mary dans son atelier © Sarah Heitzmann / LUXE.NET

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ainsi que vos intentions premières en l’honneur de ce nouveau show Being Normal Is Really Not Normal chez Harper’s NY ?

Je m’appelle Laure Mary, je suis artiste peintre, j’habite à Paris et je suis heureuse de présenter ma première exposition personnelle à New-York qui ouvrira cette semaine chez Harper’s Gallery. Ce nouveau projet est né d’une obsession qui m’a habitée en début d’année de me séparer de quasiment tout ce que je possédais chez moi. Pendant environ deux mois je me suis consacrée uniquement à cela et lorsque tout fut terminé, je me suis rendue compte qu’il y avait une seule chose à laquelle je n’avais pas touché, c’était ma bibliothèque.

J’ai gardé l’intégralité de mes livres, et cela a mis en évidence l’importance que j’avais pour la littérature. Ensuite, je me suis replongée dans des livres que je n’avais pas explorés depuis un temps. Au milieu de l’un d’entre eux se trouvait un morceau de papier aux bordures déchirées sur lequel j’avais écrit : « For Sale, Baby shoes, Never Worn ».

Il s’agît d’une légende attribuée à Ernest Hemingway et qui raconte, que lors d’un dîner, ses amis lui ont lancé le défi d’écrire le livre le plus court de l’histoire, soit : une histoire en six mots. Je préparais en même temps cette exposition qui allait être composée de six tableaux et c’est ainsi que tout a commencé.

Cette exposition marque votre première présentation personnelle à New York. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

C’est très important pour moi. J’ai terminé mes études il y a exactement dix ans, et pendant cette décennie j’ai expérimenté beaucoup de choses différentes. Cela a permis d’affirmer et de préciser mes choix. Ce temps était nécessaire et je suis heureuse que ce projet arrive à ce moment de mon parcours.

C’est une magnifique opportunité d’exposer chez Harper’s Gallery à New-York et j’espère sincèrement avoir été à la hauteur de tout cela.

Votre show s’ouvre sur une énigme : être normal n’est vraiment pas normal. Qu’est-ce que ce « normal » incarne pour vous aujourd’hui ?

« Normal » est une illusion, un mirage, je dirai même un piège. Nous allons courir après une chimère que l’on nomme « normalité » pendant un temps, plus ou moins long en fonction de chacun, puis arrive un jour libérateur où l’on se rend compte que d’être « normal » n’existe pas.

C’est un peu comme les nombreuses choses chez moi dont je me suis séparée – quel bonheur quand on se débarrasse de ce qui nous encombre, car même si à un moment donné nous avons envie de certaines choses, le plus important est de se rendre compte que l’on n’en a pas ou plus besoin.

Vous parlez de l’importance de l’absence, de ce qui n’est pas montré… Dans vos toiles, la lumière n’est jamais purement descriptive : elle semble plutôt révéler l’absence, l’entre-deux. Comment travaillez-vous cette tension entre montrer etsuggérer ?

L’étape cruciale du travail est la préparation. Avant de commencer une toile, je passe énormément de temps à réfléchir sur l’image et son sens. La peinture, c’est un rendez-vous avec l’évidence. Il y a des sujets qui retiennent votre attention, voire qui vous obsèdent, ce n’est pas utile de savoir pourquoi, il faut se laisser guider par cette intuition. Montrer et suggérer sont effectivement deux approches très différentes, l’une dicte, tandis que l’autre murmure.

Bret Easton Ellis et Hemingway se croisent ici, deux écritures très différentes, mais toutes deux travaillées par le vide et l’absence. Comment ce vide résonne-t-il avec votre propre quête artistique ?

Le vide est effrayant, mais il permet de faire le point sur les choses. Lorsque nous sommes submergés, il y a un besoin naturel qui nous dirige vers la clarification. La perte de repère ou de contrôle n’est pas une chose rassurante, mais elle est méditative et éducative. C’est une démarche assez radicale que j’assume pleinement, en tant que peintre je suis familière avec la peur, j’espère qu’un jour elle et moi serons de grandes alliées.

L’atelier © Sarah Heitzmann / LUXE.NET

Vos titres – That evening the sun didn’t set, par exemple, ouvrent des espaces de narration, presque comme des fragments littéraires. Comment travaillez-vous cette correspondance entre les mots et vos images ?

J’aime inconditionnellement l’art et plus spécifiquement la peinture, mais il y a deux autres passions qui me sont très chères : la littérature et le cinéma. Ma logique fait que je ne parviens pas à envisager les choses d’une autre manière – la narration et la représentation se conjuguent au même niveau de langage.

Le récit autour du papier oublié dans un livre, avec les six mots d’Hemingway, semble avoir été un déclencheur décisif. Comment cette découverte a-t-elle réorienté votre manière de penser la peinture ?


Il y a une anecdote dans l’anecdote car j’avais déposé ce morceau de papier dans « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust. C’est assez drôle qu’un récit aussi court se retrouve dans le roman le plus long de l’histoire. Et c’est encore plus cocasse car cette découverte m’a fait le même effet que l’iconique madeleine, car je pense avoir déposé ce papier il y a plus d’une dizaine d’années. Je me suis alors replongée dans une constellation de souvenirs en quelques secondes. Une question m’est alors apparue : « qu’est-ce qui a vraiment de l’importance pour moi ? ». Puis, je suis allée dans l’atelier, je me suis assise là pendant quelques heures en considérant les choses, pour au final me dire « Voilà ! C’est ça ! ». Le reste, c’est un secret entre l’atelier et moi.

La littérature semble être devenue colonne vertébrale au sein de votre processus artistique. Quels auteurs, quelles lectures vous accompagnent le plus intimement dans ce moment de votre parcours ?


J’ai toujours avec moi des livres de Kafka, Colette Peignot ou encore Giorgio Agamben. Il y a une librairie près de chez moi à Paris où je me rends régulièrement et je procède toujours de la même manière. Dans un premier temps, je me dirige vers les étagères que je connais pour une première sélection, puis dans un second temps je sollicite des recommandations auprès des libraires, qui sont toujours de très bon conseil.

Vos toiles semblent osciller entre lumière et obscurité, entre dévoilement et dissimulation. Pouvez-vous nous parler de votre technique, qui ne semble que s’affirmer et grandir ?

La première étape qui s’appelle la « grisaille » prend de plus en plus d’importance dans mon travail. Auparavant, celle-ci me servait de point de départ, puis disparaissait au fur et à mesure. Désormais elle est visible dans le résultat final. C’est une approche assez différente car le tableau est quasiment visible dès les premiers coups de pinceaux, les étapes suivantes sont essentiellement réalisées grâce à des peintures transparentes.

Vous avez longtemps travaillé avec des compositions vibrantes, presque oniriques. Votre travail semble prendre une nouvelle allure, constitue-t-il pour vous un point de rupture et, peut-être, une forme de renaissance ?


Il y a effectivement dans mon travail un changement proportionnel avec une évolution personnelle. L’univers et le concept grandissent mais restent dans les grandes lignes inchangés. C’est techniquement et esthétiquement que les ruptures ont opéré. Une des pires sensations qu’un artiste puisse ressentir dans son atelier est l’ennui et j’ai commencé à m’ennuyer, quand j’ai eu la sensation de tourner en rond ou de ne plus me reconnaître dans ce que je faisais. J’avais besoin de m’épanouir, mais cela demande du travail. Je me suis alors forcée à sortir de ma zone de confort pour m’aventurer vers une autre direction qui pouvais m’apporter de nouvelles perspectives. J’ai le sentiment d’une maturité qui s’installe qui est très agréable, je dirai même apaisante.

Vos œuvres jouent sur des symboles simples mais ambigus – l’œuf, la lumière, le reflet. Comment choisissez-vous ces formes, et qu’est-ce qui vous intéresse dans leur charge métaphorique ?


Je suis une personne espiègle, aussi j’aime jouer avec l’entre-deux. Les différents symboles que j’utilise possèdent cette aura, on ne sais jamais très exactement ce que l’on voit, ou ce que l’on croit voir. J’apprécie le fait que l’ambiguïté soit une déclaration qui laisse place à l’interprétation. Créer un tableau requiert beaucoup de contrôle, de prises de décisions, d’assurance. J’estime avoir bien travaillé lorsque l’on regarde mes tableaux et que les émotions sont plurielles.

Dans ce contexte particulier – une première exposition new-yorkaise – que souhaitez-vous que le public découvre de vous, peut-être pour la première fois ?


Qu’il n’y a aucun doute.

Enfin, votre définition du luxe ?

Pour moi le luxe, c’est quand on a quelque part où aller.

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