Dans les jardins paisibles de la Villa Albani Torlonia, sous un ciel de fin mai teinté de mélancolie romaine, Maria Grazia Chiuri a salué une dernière fois. Avec son défilé croisière 2026, présenté dans sa ville natale, la créatrice a offert bien plus qu’une collection : une révérence délicate, empreinte de fierté, de gratitude et de poésie. Après neuf années à la tête de l’univers féminin de Dior, elle s’apprête à tourner la page.
Dior : Jonathan Anderson Directeur Artistique, un nouveau chapitre à double voix
L’histoire de la maison Dior s’apprête à tourner une page audacieuse. Pour la première fois depuis sa fondation, la grande maison de l’avenue Montaigne confie la direction artistique de ses collections féminines et masculines à un seul et même créateur. Et ce créateur, c’est Jonathan Anderson.
À quarante ans à peine, le styliste nord-irlandais incarne une génération nouvelle, capable de bousculer les codes tout en respectant la rigueur du savoir-faire. Révélé par sa propre marque, JW Anderson, puis célébré pour son travail visionnaire chez Loewe, il s’est imposé ces dernières années comme l’un des talents les plus agiles du paysage mode international. Désormais, c’est à la tête de Dior qu’il déploiera sa vision — une maison aux racines françaises, au rayonnement mondial, et dont il devient le premier directeur artistique à signer à la fois les lignes femme et homme.
Son arrivée à la tête de Dior Femme, annoncée officiellement ce 2 juin, vient couronner une stratégie de continuité artistique initiée quelques semaines plus tôt avec sa nomination chez Dior Homme. La nouvelle a été accueillie comme un signe de confiance fort de la part du groupe LVMH et de Bernard Arnault, qui s’est félicité de ce choix en évoquant “une signature artistique incomparable”.

Il faut dire que Jonathan Anderson n’est pas étranger aux révolutions discrètes. Chez Loewe, il a transformé la maison espagnole en laboratoire d’avant-garde, alliant excellence artisanale et langage contemporain. Ses silhouettes sculpturales, ses expérimentations textiles, ses narrations sensorielles ont façonné une allure singulière, à la fois conceptuelle et profondément humaine. Le cuir, matière fétiche de Loewe, est devenu sous sa direction une peau narrative, tantôt précieuse, tantôt brute.
En rejoignant Dior, Jonathan Anderson reprend le flambeau laissé par Maria Grazia Chiuri, première femme à avoir dirigé les collections féminines de la maison. Pendant neuf ans, elle y a défendu une féminité consciente et militante, ancrée dans l’histoire de l’art et portée par le souffle du féminisme contemporain. À l’heure de lui succéder, Anderson n’endosse pas seulement une fonction : il hérite d’une maison emblématique, marquée par des décennies de réinvention stylistique.
Il le sait. Sur ses réseaux, le créateur a partagé son émotion et son respect pour l’héritage de Dior. “J’ai toujours été inspiré par la richesse de cette maison, sa profondeur, son empathie”, a-t-il écrit. Son premier défilé Dior Homme est attendu le 27 juin prochain à Paris. Quant à ses débuts sur la ligne féminine, ils sont prévus pour les mois à venir, dans une atmosphère de curiosité palpitante.
De Timothée Chalamet à Zendaya, en passant par Pedro Almodóvar ou Maggie Smith, le parcours de Jonathan Anderson a toujours croisé les icônes de la culture. Sa mode attire les regards, suscite les récits, ouvre des passerelles entre les disciplines. Ce double mandat chez Dior, sans précédent, promet de dessiner de nouveaux ponts entre le masculin et le féminin, la rigueur de la coupe et la poésie de l’intention, l’architecture et le mouvement.
Dans une époque où les maisons cherchent à redéfinir leurs identités, à séduire sans s’effacer, à innover sans trahir, le choix d’un styliste transversal semble chargé de promesses. La haute couture, le prêt-à-porter, les silhouettes masculines comme féminines : autant de terrains d’expression pour celui qui a toujours aimé brouiller les frontières, non pas pour choquer, mais pour révéler.
La Maison Dior entre ainsi dans une ère de dialogues. Dialogue entre passé et futur. Dialogue entre Paris et Londres, entre mode et art, entre structure et émotion. Un équilibre délicat, mais que Jonathan Anderson, à n’en pas douter, saura composer avec cette intelligence stylistique et culturelle qui fait de lui l’un des créateurs les plus influents de sa génération.

À suivre, donc — mais avec un œil attentif et l’élégance de l’anticipation.