Trente ans après avoir offert au monde son chef-d’œuvre de verre sur le boulevard Raspail, Jean Nouvel signe le retour tant attendu de la Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Pour célébrer les quarante ans de l’institution, le groupe Richemont et Cartier Architecture & Construction lui confient la mission de repenser un lieu manifeste : un espace d’exposition au 2, place du Palais-Royal, où patrimoine et futur se répondent dans un dialogue de lumière, de matière et de mouvement.
Art Week 2025 : Paris, cœur battant de l’Art, ce que l’on retient
Des allées solennelles du Grand Palais aux salons feutrés de l’Hôtel de Maisons, la capitale s’est offerte telle une œuvre totale, un territoire où l’art, le design et le luxe se répondent dans une même respiration. Sous la voûte restaurée d’Art Basel Paris, les maîtres du passé murmuraient aux voix nouvelles, tandis qu’au Faubourg Saint-Germain, Design Miami/Paris élevait la matière au rang de langage, célébrant la main, le geste, le temps. Dans toute la ville, maisons de couture, galeries et fondations ont ouvert leurs portes comme on entrouvre un secret : celui d’une beauté plurielle, en mouvement. Ainsi, l’Art Week 2025 n’a pas seulement animé Paris — elle l’a transfigurée, rappelant qu’ici, plus qu’ailleurs, la création n’est pas un décor, mais une manière d’exister.

Art Basel Paris 2025 — De l’art, de l’art, de l’art !
Sous la nef de verre et de lumière du Grand Palais, Art Basel Paris 2025 a déployé son éclat, celle d’une ville redevenue l’épicentre vibrant de la création mondiale. Ni les crises passées ni les incertitudes du monde n’ont altéré l’élan de cette foire devenue symbole d’un art vivant. Pour sa quatrième édition, la foire a offert un dialogue saisissant entre héritage et audace, entre la mémoire des maîtres et la brûlure du contemporain. Sous la dentelle de fer et le ciel translucide, 206 galeries venues de 41 pays ont tissé une polyphonie sensorielle.

Dès l’Avant-Première, la cadence fut donnée : Hauser & Wirth a vu s’envoler un monumental Abstraktes Bild de Gerhard Richter pour 23 millions de dollars, éclat cardinal d’une édition marquée. Non loin, Pace Gallery dévoilait la grâce mélancolique d’un Modigliani de 1918, Jeune fille aux macarons, tandis que Gagosian osait l’improbable : faire dialoguer un Rubens du XVIIᵉ siècle avec Picasso, Saville et Giacometti, abolissant les frontières du temps. Chez David Zwirner, la légèreté d’une sculpture de Ruth Asawa dessinait l’air lui-même ; Tina Kim révélait la poésie textile de Lee ShinJa, pionnière coréenne dont les fils semblaient retenir la lumière.
Kamel Mennour réunissait Lee Ufan, maître du silence et de la forme pure, Anish Kapoor et ses abysses de couleur, Daniel Buren et ses architectures optiques, Dhewadi Hadjab dont les portraits vibrent d’une tension contenue, et Alberto Giacometti, dont la présence ramenait l’humain à son essentielle verticalité. Une constellation de gestes, de matières et d’énergies, entre vide et densité, qui faisait du stand mennour un espace de dialogue entre le visible et l’invisible — une méditation sur la trace et la transcendance de la forme.
Au stand de Galerie Perrotin, la jeune artiste Xiyao Wang y présentait Born in spring no. 4 (2024), huile et fusain sur toile, aux côtés de noms comme Claire Tabouret, Takashi Murakami, JR, Sophie Calle ou Daniel Arsham apparaissent dans son écurie, témoignant de sa capacité à couvrir la diversité de la création mondiale. De son côté, White Cube affichait sa maîtrise avec une sélection forte comme Georg Baselitz, Enrico David, Peter Doig et Cai Guo‑Qiang, criant la valeur de la forme et l’impact visuel, tout en maîtrisant les rapports au marché. Meyer Riegger, en collaboration avec la Galleria Franco Noero, offrait un stand plus contemplatif où des artistes tels que Miriam Cahn, Sheila Hicks, Eva Koťátková et Ulla von Brandenburg exploraient le refuge, la kinship et l’absence d’ancrage dans un monde en mouvement.

La galerie Almine Rech tisse un dialogue entre générations, cultures et esthétiques. Les œuvres de Picasso, James Turrell, Christopher Le Brun, Ewa Juszkiewicz ou encore Ha Chong-Hyun composaient une chorégraphie lumineuse entre figuration et abstraction, matière et perception. Le visiteur y passait du silence méditatif de Path Taken (Vertical) de Turrell, où la lumière devient substance, à la subversion poétique des portraits voilés d’Ewa Juszkiewicz, jusqu’aux harmonies chromatiques de Tuning de Le Brun.
La jeune Nefeli Papadimouli transformait l’espace en architecture mouvante, et Djabril Boukhenaïssi, chez Mariane Ibrahim, peignait la nuit comme un souvenir en suspens. Les sections Premise et Emergence se répondaient en écho, l’une fouillant les racines, l’autre inventant l’avenir, dans une même pulsation du regard.

Chacune de ces galeries, dans son style et son ambition propres, a contribué à faire de cette édition d’Art Basel Paris un moment de densité visuelle, historique et conceptuelle où l’art contemporain ne se contente pas d’exister, mais s’annonce, se confronte, et se révèle.
Sous la direction inspirée de Clément Delépine, cette édition a trouvé son souffle, à la fois intime et universel. Les plus grands musées et collectionneurs, venus du monde entier, s’y sont donné rendez-vous, unis par la même ferveur. Et lorsque le nom de Karim Crippa fut annoncé pour écrire le prochain chapitre de la foire, Paris semblait déjà prête à s’y projeter : lumineuse, insatiable, fidèle à son génie. Car au-delà des ventes et des chiffres, Art Basel Paris a rappelé que la vraie valeur de l’art réside dans ce qu’il laisse en nous : une trace, un vertige, une lumière. Sous la voûte du Grand Palais, l’art s’y faisait présence et murmure, force et fragilité, preuve éclatante que Paris demeure ce lieu singulier où la beauté ne s’expose pas : elle s’incarne.
Design Miami/Paris 2025 : la forme, la matière et l’émotion
L’événement s’est refermé sur un murmure : celui des matières, des gestes et des mémoires entremêlées.
Pour sa troisième édition, Design Miami/Paris a transcendé son statut de foire pour devenir un véritable manifeste sensible. Dans l’écrin de l’Hôtel de Maisons, entre moulures et jardins, le design s’est raconté non pas comme une industrie, mais comme un art de vivre, un art d’aimer — celui du temps, de la main et de la matière.

Durant cinq jours, le Faubourg Saint-Germain a respiré au rythme des 25 galeries internationales et des 40 exposants réunis sous les plafonds peints de cet hôtel particulier. On y entrait comme dans une demeure habitée : chaque salon portait la mémoire d’un autre temps, chaque pièce semblait écrire une phrase d’un récit commun. Ce que l’on retient, c’est cette sensation rare, celle de circuler à travers les époques, où la rigueur du modernisme croisait la douceur du geste artisanal.
Sous la bannière Material Narratives, la matière a pris la parole. Frida Fjellman a suspendu dans l’air ses prismes de verre comme des promesses liquides. Timothée Humbert a semé ses créatures fantastiques dans les recoins de l’hôtel, réconciliant enfance et mystère. Et Jane Yang-D’Haene, avec ses vases lunaires, a relié l’Orient et l’Occident dans une poétique de la forme silencieuse. Dans ces récits de verre, d’argile et de métal, la matière devenait un langage du sensible — une écriture tactile.

Les Maîtres du modernisme étaient partout.
Jean Royère, Pierre Paulin, Carl Auböck, Alberto Giacometti ou Georges Jouve ont dialogué à travers les décennies avec une grâce intemporelle. Leurs pièces, polies par le temps, semblaient respirer encore : un fauteuil devenait une sculpture, une lampe une confidence. Cette section a rappelé que le design, lorsqu’il s’élève, devient plus qu’un objet — une trace du génie humain, une façon de contenir la beauté.

La section Gilded Metallics a brillé d’une sensualité contenue : l’or, le cuivre, le bronze s’y sont faits matière d’émotion. Chez Frida Escobedo, les chaînes de métal bruissaient comme des bijoux d’architecture ;
chez Yves Macaux, les vases de Josef Hoffmann et les horloges d’Adolf Loos semblaient suspendre le temps lui-même. Le métal, ici, n’était plus ornement, mais souffle — celui du feu qui transforme, celui de la main qui dompte la lumière.

Dans Geometry & Spatial Dialogue, la forme devenait espace. Les textiles organiques de Hanne Friis palpitaient comme des organismes vivants. Les porcelaines translucides d’Inhwa Lee captaient la lumière du matin avec une grâce spirituelle. Et chez Galerie kreo, les pièces de Ronan Bouroullec ou Marco Campardo jouaient avec la transparence, l’ombre et la réflexion, comme si le verre se souvenait de l’eau.
La collaboration avec Apple a donné naissance à Designers of Tomorrow, une vitrine où quatre créateurs émergents, Marco Campardo, Jolie Ngo, Duyi Han et le duo Marie Cornil & Alexandre Willaume, ont utilisé l’iPad comme outil créatif et matérialisé une nouvelle forme de design hybride, entre technologie et artisanat. Dans les salons de l’Hôtel de Maisons, leurs objets, table « Jello », miroir brodé, lampe imprimée 3D, faisaient vibrer l’espace par leur tension entre forme et fonction, rappelant que le design de demain se conjugue ici et maintenant.

Range Rover a révélé la Range Rover Gallery, un espace à la fois silencieux et vibrant, conçu comme une méditation sur le mouvement et la matière. Du 21 au 26 octobre, les créations de Sophie Dries, Dan Yeffet et Fleur Delesalle y ont dialogué avec l’esprit de la marque, entre élégance maîtrisée et audace contemporaine. Chaque pièce semblait respirer le temps, la lumière et le geste, une célébration du luxe dans sa forme la plus pure, où la puissance se fait murmure et le voyage devient art.
Dans les jardins, le souffle du monumental s’imposait. Le Singing Ping Pong Table de James de Wulf faisait vibrer l’air comme une onde sonore ; The Soul Garden de Vikram Goyal transformait les sculptures animales en fables vivantes, entre parfum, lumière et mémoire. Les lianes d’Aude Franjou, tissées à la main, enlacaient la façade du lieu comme un battement végétal. Dans ces œuvres, la monumentalité ne cherchait pas l’éclat : elle respirait, simplement, avec le monde.

Ce que l’on retient de Design Miami/Paris 2025, c’est moins une foire qu’un sentiment. Celui d’une conversation entre les siècles, où chaque matériau, l’or, la terre, le verre, le lin, devient le témoin d’un désir : celui de relier la beauté et l’humain. Cette édition a prouvé que le design peut être à la fois fonction et émotion, géométrie et poésie, savoir-faire et vision. Dans le bruissement des salons du Faubourg, le design s’est fait mémoire du futur.
Les galeries parisiennes : constellation de sensations
Des expositions ont rythmé la semaine : Chez Derouillon, l’exposition Props s’impose comme une exploration des « invisibles qui structurent le visible » : œuvres de Uri Aran, Shuang Li, Liz Magor ou Kirill Savchenkov articulent absence, fracture et quotidien re-dévisité. À la Galerie Lelong, l’œuvre de Jaume Plensa se déploie comme sculpture de la lumière intérieure, le langage se faisant matière, l’espace voix silencieuse : l’artiste joue avec les lettres, la substance, le vide comme autant d’espaces de méditation. Chez Hauser & Wirth, l’exposition de Jeffrey Gibson – This is dedicated to the one I love – réinvente sculptures, peintures et objets-d’apparat dans une célébration identitaire et sensorielle, entre mémoire et fête du geste. Chez David Zwirner, la présence de Gerhard Richter s’affirme comme un rappel profond que l’art n’efface pas le temps : à travers des œuvres majeures présentées lors de Art Basel Paris 2025, la mémoire, l’abstraction, la photographie et le vitrail se conjugent pour interroger notre rapport à l’image. Chez Almine Rech, Christopher Le Brun déploie une peinture à la fois lyrique et méditative, où la couleur devient souffle et la matière, résonance. Ses toiles, oscillant entre abstraction et figuration, évoquent moins des images que des états d’âme : fragments de lumière, accords suspendus, gestes retenus. Dans cette exposition rare, la peinture retrouve sa voix, celle du silence vibrant, où l’émotion se fait architecture.

Albert Oehlen — Endless Summer
Présentée conjointement par Gagosian et Galerie Max Hetzler, l’exposition Endless Summer d’Albert Oehlen déploie une série de toiles où la figure du baigneur, motif mythique de la peinture française — devient terrain d’expérimentation plastique. Entre figuration et dissolution, Oehlen revisite ce thème ancestral avec une liberté furieuse : le corps féminin, tour à tour lisible ou volatil, s’y efface dans la couleur, s’y consume dans le geste. Inspiré par Tramonto Spaventoso de John Graham, l’artiste en détourne la silhouette originelle pour y injecter la fièvre de sa propre écriture : coulures, éclats, effacements, tensions chromatiques. Chaque toile devient une oscillation entre présence et abstraction, entre chair et énergie. Dans cet été sans fin, Oehlen repousse encore les limites du visible et affirme que la peinture, plus qu’un médium, demeure un acte de résistance, une manière de regarder le monde en perpétuel déséquilibre.
Almine Rech : Shadowing de George Rouy à Boisgeloup
Au Domaine de Boisgeloup, ancienne demeure de Picasso, George Rouy fait surgir, sous le regard bienveillant du maître, une peinture habitée par la chair et l’absence. Présentée par Almine Rech, Hannah Barry Gallery et Hauser & Wirth, sous l’égide de la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte (FABA), Shadowing explore le corps comme mémoire mouvante : figures fragmentées, silhouettes en suspens, lumières qui respirent de l’intérieur. Dans la pénombre des voûtes, ses toiles semblent dialoguer avec les murs mêmes du lieu, comme si chaque geste contenait un écho du passé, chaque ombre un battement de vie. Entre figuration et effacement, Rouy peint la fragilité de l’être contemporain : un art de la rémanence, où le corps devient prière silencieuse et la peinture, une manière d’habiter le temps.
Donald Judd : La perfection du silence, par LVH Art
Sous l’égide de LVH Art, fondé par Lawrence van Hagen, l’exposition JUDD offrait une expérience rare : celle d’une beauté sans emphase, où la forme devient pensée et la lumière, matière. Dans le calme solennel d’un appartement de la place Beauvau, les œuvres de Donald Judd s’imposaient comme des présences silencieuses, des architectures de clarté. Les Single Stacks flottaient entre ombre et éclat, traçant dans l’espace une géométrie de respiration. Au sol, Untitled (1976), peinte par la main même de l’artiste, révélait une vibration presque organique : un rouge profond, traversé de lumière, qui semblait émaner du bois lui-même. Judd, fidèle à son exigence, ne cherche pas à émouvoir, il révèle l’essence, l’équilibre, l’absolu. Portée par la vision curatoriale de LVH Art, cette exposition incarnait la rencontre entre rigueur et grâce : un moment suspendu où la forme, dans sa pureté la plus extrême, devenait émotion.
Paola Siri Renard — Parade, Galerie Romero Paprocki
À la galerie Romero Paprocki, Paola Siri Renard orchestre une Parade où le visible devient un champ de tension entre pouvoir et métamorphose. Ses sculptures, inspirées des monuments équestres coloniaux, renversent l’ordre du monde : les chevaux s’affranchissent du socle, se fragmentent, se libèrent du cavalier. Le bronze et la pierre cessent d’être symboles d’autorité pour devenir matière vivante, vibration de passage.
Entre muscle et ornement, entre chair et décor, les œuvres de Siri Renard explorent la beauté du déséquilibre, ces jambes de cheval à taille réelle, mi-humaines, mi-animales, forment un cortège de présences hybrides, comme une procession d’esprits affranchis. Ici, la parade n’est plus démonstration de force mais geste de résistance : un mouvement de dévoilement et de fuite, une chorégraphie silencieuse où le corps, morcelé, invente une nouvelle manière d’apparaître, fragile, libre, insaisissable.
Roberto Platé chez Grand Tour x CMS Collection : Puissance silencieuse
Chez Grand Tour, en collaboration avec la CMS Collection, l’exposition consacrée à Roberto Platé révélait la puissance silencieuse d’un peintre en redécouverte. Entre figuration et abstraction, ses toiles des années 1990–2000 déploient un langage de lumière et de mouvement, habitées d’un souffle presque théâtral, où la lumière devient matière et la couleur, respiration. Chaque surface semble vibrer d’une présence silencieuse, silhouettes en suspens, colonnes de pigments, reflets qui se dissolvent dans le temps. Platé peint comme on met en scène une émotion : avec pudeur, intensité et ferveur. Dans ces œuvres, la peinture n’imite pas le monde, elle le rêve, le réinvente, le rend sensible à nouveau.

Whitewall — Human First : l’art du regard retrouvé
Présentée au 37 avenue Franklin D. Roosevelt jusqu’au 10 novembre, Whitewall a signé avec Human First une exposition manifeste, une pause nécessaire dans le tumulte, une célébration de ce qui demeure : l’humain. Autour d’une sélection d’artistes internationaux, le parcours explorait les multiples langages du vivant : les toiles vibrantes de Julian Farade, les œuvres participatives de Jeremy Deller, la poésie fragmentée de Matthias Bitzer et Justine Neuberger, ou encore les écologies magiques de Victor Bengtsson. Plus loin, Trevor Shimizu, Ian J. Brown et Murray Clarke révélaient l’intime par la matière, tandis que Shuo Hao, Théo Ouaki et Adélie Ducasse en faisaient surgir la beauté silencieuse, entre céramique, lumière et désir.

Dans ce chœur d’émotions, Renske Linders, Clément Bataille, Blake Daniels, Dhewadi Hadjab ou Servane Mary dressaient des portraits d’une humanité mouvante, tour à tour tendre, spirituelle, troublante. La scénographie, ponctuée de pièces signées ATRA et d’éclairages Flos, prolongeait cette respiration sensible où art, design et artisanat se répondent. Human First n’était pas seulement une exposition : c’était un rappel, à voix douce et claire, que derrière chaque image bat un cœur et qu’en art comme en vie, la beauté demeure une forme d’attention.
Hatch Gallery — L’argile comme langage du corps et de la mémoire
Chez Hatch Gallery, l’exposition Anthologies of a Receptacle fait dialoguer deux voix brésiliennes séparées par le temps mais unies par la terre : Celeida Tostes et Ayla Tavares. Chez Tostes, l’argile devient chair et symbole, lieu d’une renaissance poétique, comme dans Passagem (1979), où l’artiste s’enferme dans une urne avant d’en émerger, délivrée, régénérée. Tavares prolonge ce souffle, façonnant des assemblages où fragments de corps, coquillages et vases se répondent comme autant d’échos à la maternité, à la métamorphose, au lien entre vulnérabilité et force. Ensemble, elles murmurent que l’art, tel un récipient sacré, recueille ce que la vie dépose, le geste, la trace, la lumière du dedans.

Quand les Maisons dialoguent avec l’art
Les Maisons de couture et de parfumerie, les hôtels patrimoniaux et les fondations privées ont transformé Paris en un immense terrain d’expression artistique. Les Maisons de couture et de parfumerie ont ouvert des chapitres inattendus de création : Chez Guerlain, En plein cœur célèbre les cent ans de Shalimar à travers un dialogue vibrant entre art et parfum. Sous le commissariat d’Hervé Mikaeloff et Benoît Baume, plus de trente artistes, de Louise Bourgeois à Camille Henrot en passant par Omar Ba, explorent les multiples visages de l’amour, entre passion, pudeur et mémoire. Un parcours olfactif signé Delphine Jelk prolonge l’émotion : chaque œuvre respire, s’imprègne, se souvient. Dans ce lieu mythique, Guerlain fait de l’amour une essence, insaisissable, éternelle, et profondément humaine.

Pour célébrer les dix ans du Dior Lady Art, la maison rend hommage à une décennie de dialogue entre mode et art contemporain, au Palais d’Iéna, Miu Miu et Helen Marten signaient 30 Blizzards, une installation immersive où sculpture, son et lumière devenaient métaphore du chaos et de la grâce du monde moderne. Chez Issey Miyake, l’exposition A-POC ABLE : TYPE-XIV Eugene Studio project explorait la fibre comme matière de pensée : un tissage de lumière, de souffle et de temps. À l’Hôtel de Crillon, le dialogue entre Docent et Alia Al Asmar faisait vibrer le marbre et le silence, offrant un récit d’architecture habitée. Enfin, sous les arcades du Palais-Royal, Acne Paper inaugurait son premier espace d’exposition permanent — un refuge pour la photographie, la mode et le design, où le regard se fait matière.
Dans un écrin éphémère du boulevard de la Tour-Maubourg, Éditions de Parfums Frédéric Malle a offert à Adeline Mai une carte blanche rare : Portrait(s) of a Lady, une méditation sur l’essence du féminin. Par la photographie, le mot et le collage, l’artiste tisse un langage intérieur où la force se mêle à la vulnérabilité, où chaque regard devient empreinte. En miroir, le parfum mythique de Dominique Ropion — Portrait of a Lady — fait de la rose turque, du patchouli et de l’ambre une architecture de la mémoire, une présence presque spirituelle. Ensemble, ils signent une œuvre totale, où le visuel et l’olfactif se rejoignent dans un même souffle : celui de la liberté créatrice, de la beauté qui pense, et du mystère persistant de la trace.
Une effervescence créative qui souligne l’union naturelle du luxe et de l’art, où chaque maison devient mécène, chaque vitrine manifeste.
Asia Now : L’Asie en mouvement, la beauté en partage
Sous les voûtes de la Monnaie de Paris, Asia NOW 2025 a déployé une énergie singulière — celle d’un continent pensé comme un langage, non une frontière. Pour sa onzième édition, la foire s’est affirmée comme un territoire d’échanges et de résonances, un lieu où l’art devient souffle commun. Sous le thème Grow, chaque œuvre s’offrait comme une germination : un dialogue entre mémoire, geste et lumière.
Au cœur du parcours, l’Asie de l’Ouest et du Sud vibrait d’une intensité rare. La Saoudienne Ahaad Alamoudi insufflait à la foire son rythme spectral avec Ghosts of Today and Tomorrow, chorégraphie de sons et de lumières suspendues ; Han Mengyun, avec Under the Aegis of the Moon, composait une méditation poétique sur la nuit et le temps ; Pascal Hachem questionnait la mémoire du geste dans The Cut Line, tandis que la Japonaise Hiromi Tango enveloppait le corps et la vulnérabilité de fils colorés, transformant le textile en espace de guérison. Dans une approche plus terrestre, Marion Flament, avec Monnaies du sol, trames de mémoire, signée avec Désiré Moheb-Zandi pour 91.530 Le Marais, tissait terre, fibre et métal en un rituel de matière — une méditation sur la valeur, la mémoire et les cycles du vivant.

Ainsi, Asia NOW 2025 s’est imposée comme bien plus qu’une foire : une respiration du monde, l’Asie s’y révélait constellation, entre racines et horizons, rappelant que la création, lorsqu’elle se déploie sans frontières, devient un acte de communion.
Paris, capitale-musée
Enfin, Paris tout entière s’est offerte comme un musée à ciel ouvert. Entre les façades haussmanniennes et les places historiques, les œuvres ont investi les rues, les hôtels, les vitrines. La Fondation Cartier a marqué ce tournant symbolique : l’art quitte les institutions pour s’enraciner dans la ville, au plus près des passants.
Entre l’éclat du Grand Palais et l’élégance de l’Hôtel de Maisons, la Paris Art Week 2025 a confirmé la capitale comme le centre névralgique du dialogue entre art, design et luxe. Une semaine d’émotions, de matière et de lumière, où l’excellence s’est faite conversation. Et lorsque les portes se sont refermées, il ne restait qu’un sentiment : celui d’avoir vécu, l’espace de quelques jours, le cœur battant de la création mondiale.







































