Saint Laurent poursuit sa collaboration de longue date avec Bang & Olufsen et dévoile une nouvelle création exclusive à l’occasion de leur cinquième création commune. Sous la direction d’Anthony Vaccarello, les deux marques ont réimaginé une icône du design : la platine vinyle Beogram 4000 Series.
Saint Laurent SS2026 : Une élégie estivale entre Paris et Fire Island
C’est un éclat rare, presque irréel, qui baignait la Bourse de Commerce – Pinault Collection ce mardi après-midi à Paris. Inondée de lumière naturelle — un luxe inhabituel pour un défilé Saint Laurent — la rotonde transformée en écrin aquatique accueillait la dernière proposition d’Anthony Vaccarello pour l’homme. Dans ce cercle parfait, les porcelaines flottantes de l’artiste Céleste Boursier-Mougenot tintaient doucement, comme une rêverie sonore, prélude à un voyage suspendu entre la rive gauche et les dunes bohèmes de Fire Island.
Une collection en apesanteur, au croisement des désirs
Pour le printemps-été 2026, Vaccarello convoque un ailleurs solaire, sensuel, presque évanescent. Entre shorts raccourcis, chemises fluides aux épaules larges, pyjamas de soie et vestes en nylon irisé, les silhouettes glissent, légères, presque liquides, dans une palette de sables chauds, de verts mousse et de bleus piscine. Tout ici évoque la langueur d’une fin d’après-midi, une élégance désinvolte teintée de nostalgie.



Mais sous cette apparente douceur, une mémoire vibre. Celle de Fire Island, enclave libre et créative des années 1970, havre de paix pour des artistes comme Larry Stanton, Patrick Angus ou Darrel Ellis, souvent fauchés trop tôt. La collection leur rend hommage, sans emphase, par petites touches : une transparence qui dévoile une ligne de sous-vêtement, une taille qui se déploie en cascade, une sensualité murmurée plutôt que criée.

Un dialogue silencieux avec Yves Saint Laurent
Sur chaque siège, une photographie intime : Yves Saint Laurent à Oran, short roulé, regard vague. Une invitation à imaginer un Saint Laurent d’été, égaré volontairement sur une île, loin du noir de son smoking mais fidèle à son esprit libre. Vaccarello s’autorise à jouer avec cet héritage, le déconstruisant par endroits, le détournant par d’autres, injectant une fragilité maîtrisée, une poésie du non-dit.

Ici, les références à l’uniforme bourgeois, cher au fondateur, se désagrègent avec douceur. Les lavallières deviennent translucides, les costumes se taillent dans du satin duchesse ou du taffetas aux teintes inattendues — lime, prune, céladon. Le tout glisse sans heurt, sans jamais figer la silhouette. “Les formes flottent au lieu de coller”, précise le créateur.


L’éphémère comme ligne de force
Il y a, dans ce défilé, la beauté d’une chose sur le point de disparaître. Comme ces instants d’été où tout semble suspendu, où l’on ne sait plus très bien si l’on rêve ou si l’on se souvient. Anthony Vaccarello capte cela — l’intensité fragile d’un moment, le trouble délicieux du dévoilement, l’élégance comme moyen d’expression intime.

Et pourtant, rien n’est vraiment éphémère dans son geste. Saison après saison, il continue à élargir le vocabulaire de Saint Laurent, sans jamais céder à la redite ni à la nostalgie pure. Là où d’autres s’enferment dans leur légende, Vaccarello dessine des ponts entre mémoire et désir, avec la justesse de ceux qui savent que le vrai luxe réside peut-être dans ce que l’on effleure sans jamais figer.

