Il y a des villes qui se visitent. Venise, elle, se traverse comme un songe et parfois, elle consent à se laisser habiter. Au piano nobile du palais Contarini delle Figure, posé à l’angle du rio di San Trovaso, Luca Bombassei a installé sa vie dans plus de 600 m² baignés par une lumière mouvante, presque aquatique. Architecte et collectionneur, il y orchestre une coexistence vertigineuse : celle des siècles et des gestes, des sols signés par des mains du XVIe siècle et des œuvres qui, elles, parlent le langage d’aujourd’hui. Ici, rien n’a l’air “mis en scène” et pourtant tout est composition. Comme si le lieu avait appris à respirer entre les époques, sans jamais se figer.
Milan : Un art de vivre discret signé Studio Drago au cœur d’un immeuble historique
À Milan, certaines adresses ne se dévoilent jamais tout à fait. Elles se devinent, se ressentent, se murmurent derrière des façades patinées par le temps. C’est dans l’un de ces immeubles du début du XXᵉ siècle, à quelques pas du cœur historique, qu’un couple hollywoodien a choisi d’ancrer un nouveau chapitre de sa vie : un pied-à-terre pensé non comme une vitrine, mais comme un refuge.

L’appartement, situé au dernier étage, n’avait presque pas changé depuis des décennies. Son précédent occupant, centenaire, y avait laissé le temps suspendu : des couloirs étroits, une organisation familiale d’un autre âge, une palette figée. C’est précisément cette inertie que les architectes de Studio Drago ont choisi de transformer, non par rupture, mais par respiration.

Une double vie, entre réception et retrait
Le projet s’est construit autour d’une idée simple et exigeante : créer un lieu capable d’accueillir sans jamais renoncer à l’intimité. Un appartement à double tempo, où l’on reçoit comme on se retire. Les cloisons ont été ouvertes pour laisser dialoguer salon, salle à manger et cuisine dans un même mouvement fluide, baigné par la lumière des grandes fenêtres donnant sur les sycomores. Les circulations, autrefois contraintes, deviennent des perspectives.

Le sol en chevrons clairs remplace l’ancien parquet orangé, tandis que les encadrements de portes sont rehaussés, rééquilibrant les proportions avec une élégance silencieuse. Ici, rien ne cherche à impressionner : tout cherche à durer.

Milan comme langage esthétique
Bien que leurs fondateurs soient d’origines norvégienne et espagnole, les architectes parlent un langage profondément milanais. Un vocabulaire fait de rigueur et de sensualité, de matières nobles et de retenue. Marbres Cipollino et Corchia Viola, noyer américain, laiton patiné, teintes profondes — chaque choix affirme une présence sans jamais saturer l’espace.
La salle de bains principale devient un monolithe minéral, la chambre sur cour s’habille de bleu nuit, apaisant et enveloppant. Le luxe ici ne se mesure pas à l’ostentation, mais à la justesse des accords.

Un intérieur habité par l’art et le design
Le mobilier compose un dialogue subtil entre design italien du XXᵉ siècle et créations contemporaines. Un canapé de Mario Bellini converse avec un lit de repos d’Angelo Mangiarotti ; des chaises de Hans Wegner entourent une table sur mesure ; des appliques de Gio Ponti ponctuent les murs avec précision.
L’art n’est jamais décoratif. Photographies de Wolfgang Tillmans, Hiroshi Sugimoto ou Luigi Ghirri, œuvres de Thomas Demand ou sculpture de Liz Larner s’inscrivent dans l’espace comme des respirations intellectuelles. Elles accompagnent les usages, dialoguent avec la lumière, évoluent avec les moments de la journée.

L’art de la circulation secrète
L’une des interventions les plus marquantes se dissimule là où se trouvait autrefois le long couloir central. À sa place, un dressing lambrissé de noyer, évoquant les wagons feutrés de l’Orient-Express, devient un espace de transition. Derrière certaines portes, des passages discrets permettent de rejoindre la chambre ou le salon sans jamais rompre la fluidité de l’ensemble — une architecture de l’intime, presque cinématographique.

Un refuge contemporain, hors du temps
Plus qu’une résidence secondaire, cet appartement milanais est une déclaration silencieuse. Celle d’un couple qui, après plusieurs décennies de vie intense, choisit un luxe plus intérieur. Un lieu où chaque objet a une raison d’être, où chaque œuvre raconte un fragment de mémoire, où l’architecture n’impose rien mais accompagne tout.
À Milan, derrière une porte close, se cache ainsi un art de vivre rare : celui qui conjugue culture, hospitalité et retrait, dans un équilibre parfaitement maîtrisé.



