Dans le bruissement délicat des feuillages de la Villa Albani Torlonia, à Rome, Dior a écrit un nouveau chapitre de son histoire — peut-être le dernier signé Maria Grazia Chiuri. Pour cette collection Croisière 2026, la créatrice italienne a choisi de revenir à ses origines, dans sa ville natale, pour mieux orchestrer un final qui a résonné comme un poème baroque dédié à la beauté, au théâtre et à la mémoire.
Maria Grazia Chiuri quitte Dior : L’élégance d’un adieu
Dans les jardins paisibles de la Villa Albani Torlonia, sous un ciel de fin mai teinté de mélancolie romaine, Maria Grazia Chiuri a salué une dernière fois. Avec son défilé croisière 2026, présenté dans sa ville natale, la créatrice a offert bien plus qu’une collection : une révérence délicate, empreinte de fierté, de gratitude et de poésie. Après neuf années à la tête de l’univers féminin de Dior, elle s’apprête à tourner la page.
Première femme à diriger les collections féminines de la maison de l’avenue Montaigne, Maria Grazia Chiuri n’a jamais cherché à s’imposer avec fracas. Elle a préféré la constance à l’éclat, le message à la provocation. Discrète mais déterminée, elle a tracé une ligne où l’intime dialogue avec l’héritage, et où le féminisme s’habille de tulle, de toile de Jouy et de mots.

Une signature au féminin
Dès son arrivée en 2016, elle a su instaurer un souffle inédit. Fini les silhouettes outrancières, place à une allure plus douce, presque méditative. Sa vision de la femme Dior s’ancre dans le réel mais ne renonce jamais à la grâce. On lui doit ces longues jupes fluides, ces bustiers qui n’enserrent pas mais libèrent, ces dentelles diaphanes qui racontent la force autant que la délicatesse.
Mais surtout, elle a offert une voix aux femmes dans un secteur encore dominé par des regards masculins. Sur ses podiums, les mots de Chimamanda Ngozi Adichie, les œuvres de Judy Chicago ou encore les manifestes brodés ont résonné comme des cris de ralliement doux mais puissants. Elle n’a jamais séparé l’artisanat du message, la couture de l’engagement.
L’héritage réinventé
Maria Grazia Chiuri a aussi brillé par sa capacité à revisiter les icônes. Sous son regard, la fameuse veste Bar s’est assouplie, moins corsetée, plus actuelle. Les imprimés historiques, comme la toile de Jouy ou le Dior Oblique, ont retrouvé une seconde jeunesse, tissée de couleurs nouvelles et d’histoires modernes. Elle n’a pas trahi Christian Dior, elle lui a murmuré des mots d’aujourd’hui.
Et dans cet exercice d’équilibre entre fidélité et audace, elle a su imaginer des pièces devenues cultes : les escarpins slingback J’Adior, le sac Saddle remis au goût du jour, ou encore le Dior Book Tote, cabas brodé devenu signature universelle. Autant de créations adoptées au-delà des défilés, jusque dans le quotidien de celles qui aiment mêler style et substance.
Un dernier acte romain
Son dernier défilé en tant que directrice artistique pour Dior ne ressemblait à aucun autre. Il avait les accents d’un chant d’amour à Rome, à ses racines, à ses inspirations. Un jardin de statues antiques pour décor, des silhouettes drapées d’organza ou de soie liquide, un hommage sensible au passé comme au présent. Tout y vibrait : la culture, le théâtre, la mémoire, l’émotion.
Maria Grazia Chiuri y a convoqué ses influences, ses muses, ses combats. Elle y a distillé une forme d’adieu qui ne disait pas son nom, mais que les invités ont su reconnaître. À la fin du défilé, debout dans l’ombre des colonnes, le public s’est levé. Longue ovation pour celle qui, sans bruit, aura transformé Dior en un lieu de dialogue entre l’intime et le spectaculaire.
Si l’on murmure déjà le nom de son successeur, elle, ne dit rien. Fidèle à son style, elle laisse derrière elle un travail achevé, cohérent, sincère. Une décennie de créations enracinées dans l’histoire mais ouvertes au monde. Une œuvre au féminin pluriel.
Maria Grazia Chiuri n’a jamais crié. Elle a chuchoté. Et l’écho de ses mots, comme de ses robes, continue de résonner dans les salons de l’avenue Montaigne.
