En juin 2026, le plus ancien pont de Paris s’apprête à renaître sous une forme inattendue. JR, maître des illusions monumentales et des récits urbains, dévoilera La Caverne du Pont Neuf : une œuvre éphémère, sculptée pour trois semaines seulement, mais promise à laisser une empreinte durable dans la mémoire collective. En hommage direct à The Pont Neuf Wrapped, l’intervention visionnaire de Christo et Jeanne-Claude réalisée il y a quarante ans, JR ne se contente pas de rappeler un geste passé : il le réinterprète, le prolonge, et l’ancre dans un Paris transformé, devenu l’un des acteurs les plus audacieux du dialogue entre patrimoine et création contemporaine.
Hommage à Martin Parr : L’œil irrévérencieux qui capturait l’humanité de la mode
À ces artistes dont le regard transforme le monde, non pas en le magnifiant, mais en le révélant. Martin Parr est de ceux-là. Disparu le week-end dernier, le photographe britannique laisse derrière lui un héritage immense : une œuvre qui, sous ses couleurs saturées et son humour tendre, capture l’essence même de notre époque. Parr ne photographiait pas la mode : il photographiait l’humanité de la mode. Il ne capturait pas le luxe : il en exposait les coulisses, les gestes, les rituels, les obsessions, avec cette ironie élégante qui n’appartient qu’à lui.

L’industrie du luxe, toujours en quête de regards singuliers, avait très tôt saisi la puissance de son langage visuel. Paul Smith lui ouvre la voie en 2017 avec une capsule en édition limitée, imprimée de ses clichés vifs et décalés. Gucci s’en empare ensuite, lui confiant en 2018 l’une de ses campagnes les plus marquantes : Time to Parr, véritable tour du monde photographique où les montres de la Maison dialoguent avec les bibliothèques romaines, les musées californiens ou les cafés de Hong Kong. La même année, WORLD (The Price of Love) devient un livre collector, témoignage du quotidien stylisé et solaire de la Côte d’Azur.
Simon Porte Jacquemus, lui aussi, trouvera dans le regard de Parr ce mélange unique de poésie et de trivialité : Le Chouchou, publié en 2023, saisit les coulisses du défilé de Versailles avec une spontanéité presque enfantine. Quant à Louis Vuitton, la Maison lui consacre un volume entier de sa série Fashion Eye, donnant à voir un Royaume-Uni sans fard, drôle et tendre, photographié sur plusieurs décennies. Un pays vu non par un observateur, mais par un poète de l’ordinaire.

Dernière grande collaboration avant sa disparition : An Ordinary Day, campagne Saint Laurent imaginée par Anthony Vaccarello. Bijoux précieux sur nappe en plastique, minaudières posées sur des sandales en gelée, silhouettes couture au milieu de chaises pliantes… Parr y déploie tout ce qui faisait sa force : la collision joyeuse entre sophistication et banalité, cette tension qui, miraculeusement, fait éclore une forme nouvelle d’élégance.


Héritier direct du documentaire social et maître de la satire visuelle, Martin Parr laisse bien plus que des images : une manière de regarder. Un appel à voir au-delà du vernis, à embrasser le quotidien, à reconnaître la beauté dans ce qui semble trivial. En redonnant à la mode et au luxe un miroir spontané, drôle, parfois impertinent, il a ouvert une brèche : celle d’un luxe plus humain, plus incarné, plus vivant.

Et peut-être est-ce là son plus grand legs : nous rappeler que l’élégance ne se trouve pas toujours là où l’on croit, qu’elle peut surgir d’un étal de marché, d’un verre en plastique ou d’un sourire non posé. Martin Parr, en artiste libre, aura sublimé l’ordinaire pour mieux réenchanter l’extraordinaire.










