Chaque année, les lignes du pouvoir économique se redessinent au gré des chiffres, des innovations et des ambitions. En 2025, le magazine Time, épaulé par Statista, a dévoilé son classement des meilleures entreprises du monde, un palmarès mesurant la satisfaction des employés, la croissance du chiffre d’affaires et la transparence en matière de développement durable. Si les premières places sont dominées par les titans de la technologie – Nvidia, Microsoft, Meta ou encore Amazon – quelques fleurons du luxe viennent, avec discrétion et éclat, inscrire leurs noms dans ce concert mondial.
Quand la maîtrise du geste devient stratégie : Kering consolide sa filière joaillière
Dans l’univers feutré de la joaillerie, où chaque geste se transmet autant qu’il s’invente, les décisions stratégiques se prennent souvent loin du bruit. En annonçant un accord en vue d’acquérir Raselli Franco Group, Kering affirme avec élégance une conviction profonde : l’avenir du luxe se construit dans la maîtrise des savoir-faire, au plus près de la matière et du temps long.
Fondée en 1969 au cœur du Piémont, Raselli Franco Group s’est imposée au fil des décennies comme une manufacture de référence pour la joaillerie et la haute joaillerie. Dans un secteur aujourd’hui sous tension, où les capacités industrielles spécialisées se raréfient, l’entreprise se distingue par une expertise pointue du moulage et de l’usinage CNC, technologies devenues essentielles pour répondre aux exigences de précision extrême, de créativité et de montée en gamme. De l’approvisionnement en métaux précieux jusqu’au contrôle qualité final, la maison italienne couvre l’ensemble de la chaîne de valeur, incarnant une forme de continuité artisanale rare.
En se rapprochant de cette entreprise familiale, Kering engage bien plus qu’une opération capitalistique. Le groupe entend sécuriser des compétences clés, réduire sa dépendance à des partenaires externes et gagner en agilité industrielle afin d’accompagner la croissance soutenue de ses Maisons joaillières. Boucheron, Pomellato, Dodo ou encore Qeelin ont ainsi affiché, au troisième trimestre 2025, une dynamique à deux chiffres. Même Gucci, pilier historique du groupe, développe désormais une écriture joaillière et de haute joaillerie qui nécessite une maîtrise accrue des outils de production.
« Cette acquisition marque une étape stratégique pour Kering et illustre notre ambition dans le domaine de la joaillerie »
a déclaré Luca de Meo signant là l’un de ses premiers gestes structurants depuis sa nomination à la tête du groupe. Une déclaration sobre, à l’image d’une stratégie qui privilégie la cohérence et la profondeur plutôt que l’effet d’annonce.
Cette initiative s’inscrit dans un mouvement de fond qui traverse aujourd’hui tout le secteur du luxe. Face à la polarisation du marché et à la raréfaction des compétences, les grandes Maisons cherchent à reprendre la main sur leur chaîne de valeur. La joaillerie cristallise particulièrement cette tendance, comme en témoigne l’exemple de Bvlgari, qui a récemment inauguré la plus grande manufacture joaillière monomarque au monde pour soutenir son expansion.
Concrètement, l’accord conclu avec Raselli Franco Group prévoit une montée progressive au capital : une prise de participation initiale de 20 % au premier trimestre 2026, pour un montant de 115 millions d’euros, avant une acquisition totale à l’horizon 2032. Un calendrier étiré, fidèle à l’idée d’un luxe qui se pense sur le long terme.
À travers cette opération, Kering ne se contente pas de renforcer son appareil industriel. Il investit dans un langage, dans une culture du geste et dans une vision où la joaillerie devient un pilier stratégique, à la fois discret et essentiel. Une montée en puissance silencieuse, mais résolument tournée vers l’excellence durable.
